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INFIRMIER

il est sorti du camp pour entrer dans le corps médical de l’Armée, où il est depuis un excellent officier. Le douzième, un Canadien de langue anglaise, resta peu de temps, assez toutefois pour démontrer sa bonne volonté. Le treizième, enfin, (on peut parler de lui parce qu’il n’est plus au Canada ; qui sait même s’il est encore de ce monde ?) était certainement une des personnalités les plus caractéristiques du camp. Son histoire vaut la peine d’être racontée en quelques mots.

Né à Turin, aux environs de 1875, d’une famille aisée, il vint s’établir au Canada en 1900. Il exerça sa profession et épousa une Canadienne dont le frère occupait une situation très en vue dans la politique québécoise. Par sa belle famille, il eut l’occasion d’approcher et de connaître assez intimement des hommes politiques éminents dont quelques-uns remplissent encore à l’heure actuelle de hautes fonctions dans le gouvernement. — 1914 ! La première guerre mondiale éclate. Notre médecin s’en va faire la guerre en Italie. En 1918, à son retour, après la victoire commune, il abandonne sa profession et devient vice-consul honoraire d’Italie à Montréal. Il est le président de l’Association des vétérans de son pays, et représente au Canada une grande marque de vermouth et de vin de Turin. Resté veuf, il éprouva un très vif chagrin car il adorait sa femme. Sa silhouette était connue à Montréal, dans les salons de la société anglaise et française, et sur le turf, car il était un passionné amateur de chevaux. Un peu large d’épaules, légèrement courbé, le menton orné d’une barbiche « deuxième Empire », il traînait un pas lent et non-