LE
PHILOSOPHE.
Il n’y a rien qui coûte moins à acquérir
aujourd’hui que le nom de philosophe : une
vie obscure et retirée, quelques dehors de
sagesse, avec un peu de lecture, suffisent pour
attirer ce nom à des personnes qui s’en honorent
sans le mériter.
D’autres, qui ont eu la force de se défaire des préjugés de l’éducation en matière de religion, se regardent comme les seuls véritables philosophes. Quelques lumières naturelles de raison, et quelques observations sur l’esprit et le cœur humain, leur ont fait voir que nul être suprême n’exige de culte des hommes, que la multiplicité des religions, leur contrariété, et les différens changemens qui arivent en chacune sont une preuve sensible qu’il n’y en a jamais eu de révélée, et que la religion n’est qu’une passion humaine, comme l’amour, fille de l’admiration, de la crainte et de l’espérance ; mais ils en sont demeurés à cette seule spéculation, et c’en est assez aujourd’hui pour être reconu philosophe par un grand nombre de personnes.
Mais on doit avoir une idée plus vaste et plus juste du philosophe ; et voici le caractère que nous lui donnons.
Le philosophe est une machine humaine comme un autre homme ; mais c’est une machine qui, par sa constitution méchanique, réfléchit sur ses mouvemens. Les autres hommes