Page:Dumarsais - Œuvres, t6, 1797.djvu/49

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De cette idée, il est aisé de conclure combien le sage insensible des stoïciens est éloigné de la perfection de notre philosophe. Nous voulons un homme, et leur sage n’étoit qu’un phantôme : ils rougissoient de l’humanité, et nous nous en faisons gloire ; nous voulons mettre les passions à profit ; nous voulons en faire un usage raisonnable, et par conséquent possible, et ils vouloient follement anéantir les passions, et nous abaisser au-dessous de notre nature par une insensibilité chimérique. Les passions lient les hommes entr’eux, et c’est pour nous un doux plaisir que cette liaison. Nous ne voulons ni détruire nos passions, ni en être tyrannisés, mais nous voulons nous en servir et les régler.

On voit encore, par tout ce que nous venons de dire, combien s’éloignent de la juste idée du philosophe, ces indolens, qui, livrés à une méditation paresseuse, négligent le soin de leurs affaires temporelles, et de tout ce qui s’appelle fortune. Le vrai philosophe n’est point tourmenté par l’ambition ; [1] mais il veut avoir les douces commodités de la vie. Il lui faut, outre le nécessaire précis, un honnête superflu nécessaire à un honnête homme, et par lequel seul on est heureux : c’est le fond des bienséances et des agrémens.

La pauvreté nous prive du bien-être, qui est le paradis du philosophe : elle bannit loin de nous toutes les délicatesses sensibles, et nous éloigne du commerce des honnêtes gens.

D’ailleurs, plus on a le cœur bien fait, plus

  1. Vid. Horat, Epist. 17, Lib. 1 : omnis Aristipum decuit color, et status et res, etc.