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ASCANIO.

double passé ; mais pour prononcer cette parole, l’une était trop sainte et l’autre trop respectueux.

Cependant, Ascanio regardait Colombe avec une tendresse infinie, et Colombe se laissait regarder avec une confiance divine ; ce fut les mains jointes et de l’accent dont il devait prier Dieu que l’apprenti dit à la jeune fille :

— Écoutez, Colombe, si vous souhaitez quelque chose, s’il y a sur vous quelque malheur, qu’on puisse accomplir ce désir en donnant tout son sang, et que pour détourner ce malheur il ne faille qu’une vie, dites un mot. Colombe, comme vous le diriez à un frère, et je serai bien heureux.

— Merci, merci, dit Colombe ; sur une parole de moi vous vous êtes déjà exposé généreusement, je le sais ; mais Dieu seul peut me sauver cette fois.

Elle n’eut pas le temps d’en dire davantage, dame Ruperte et dame Perrine s’arrêtaient à ce moment devant eux.

Les deux commères avaient mis le temps à profit aussi bien que les deux amoureux, et s’étaient déjà liées d’une amitié intime fondée sur une sympathie réciproque. Dame Perrine avait enseigné à dame Ruperte un remède contre les engelures, et dame Ruperte de son côté, pour ne pas demeurer en reste, avait indiqué à dame Perrine un secret pour conserver les prunes. On conçoit aisément que c’était désormais entre elles à la vie à la mort, et elles s’étaient bien promis de se revoir, coûte que coûte.

— Eh bien ! Colombe, dit dame Perrine en s’approchant du banc, m’en voulez-vous toujours ? n’aurait-ce pas été une honte, voyons, de refuser l’entrée de la maison à celui sans l’aide duquel la maison n’aurait plus de maître ?