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ASCANIO.

Ce n’était pas le seul amour qu’Ascanio méconnaissait. Il y en avait un autre plus puissant, plus impatient encore de se révéler, et qui rêvait sourdement le bonheur comme la haine rêve la vengeance.

Madame d’Étampes ne croyait pas, ne voulait pas croire à cette passion profonde d’Ascanio pour Colombe. « Un enfant qui ne sait ce qu’il désire, disait-elle, qui s’est amouraché de la première jolie fille qu’il a vue passer, qui s’est heurté aux dédains d’une petite sotte vaniteuse, et dont l’orgueil s’est irrité d’un obstacle. Oh ! quand il sentira ce que c’est qu’un amour vrai, un amour ardent et tenace i quand il saura que moi, la duchesse d’Étampes, moi dont le caprice gouverne un royaume, je l’aime !… Il faut qu’il le sache. »

Le vicomte de Marmagne et le prévôt de Paris souffraient eux, dans leur haine, comme Anne et Colombe dans leur amour. Ils en voulaient mortellement à Benvenuto, Marmagne surtout. Benvenuto l’avait fait mépriser et humilier par une femme, Benvenuto le contraignait à être brave, car avant la scène de l’hôtel d’Étampes le vicomte aurait pu le faire poignarder par ses gens dans la rue ; mais maintenant il était obligé de l’aller attaquer lui-même dans sa maison, et Marmagne à cette pensée frémissait d’épouvante, et l’on ne pardonne guère à quelqu’un qui vous fait sentir que vous êtes un lâche.

Ainsi tous souffraient. Scozzone elle-même, Scozzone l’étourdie, Scozzone la folle ne riait plus, ne chantait plus, et très souvent ses yeux étaient rouges de larmes. Benvenuto ne l’aimait plus, Benvenuto était froid toujours et parfois bru>que pour elle.

La pauvre Scozzone avait eu de tout temps une idée fixe,