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ASCANIO.

Au reste, cette mort tut doublement funeste au pauvre Benvenuto Cellini, car le jour même où l’on ensevelit le pape, il rencontra Pompeo qu’il n’avait pas vu depuis le moment où il l’avait invité à lui épargner sa trop fréquente présence.

Il faut dire que depuis les menaces de Benvenuto Cellini, le malheureux Pompeo n’osait plus sortir qu’accompagné de douze hommes bien armés à qui il donnait la même solde que le pape donnait à sa garde suisse, si bien que chaque promenade par la ville lui coûtait deux ou trois écus ; et encore au milieu de ses douze sbires tremblait-il de rencontrer Benvenuto Cellini, sachant que si quelque rixe suivait cette rencontre et qu’il arrivât malheur à Benvenuto, le pape, qui au fond aimait fort son orfèvre, lui ferait un mauvais parti ; mais Clément VII, comme nous l’avons dit, venait de mourir, et cette mort rendait quelque hardiesse à Pompeo.

Benvenuto était allé à Saint-Pierre baiser les pieds du pape décédé, et comme il revenait par la rue dei Banchi, accompagné d’Ascanio et de Pagolo, il se trouva face à face avec Pompeo et ses douze hommes. À l’apparition de son ennemi, Pompeo devint très pâle ; mais regardant autour de lui et se voyant bien environné, tandis que Benvenuto n’avait avec lui que deux enfans, il reprit courage, et s’arrêtant, il fit à Benvenuto un salut ironique de la tête, tandis que de sa main droite il jouait avec le manche de son poignard.

À la vue de cette troupe qui menaçait son maître, Ascanio porta la main à son épée, tandis que Pagolo faisait semblant de regarder autre chose : mais Benvenuto ne voulait pas exposer son élève chéri à une lutte si inégale.