Page:Dumas, Ascanio, 1860.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
ASCANIO.

brusquement, se mordit les lèvres. Beaucoup de courtisans ne purent s’empêcher de sourire, et toutes les dames chuchotèrent. Quant au roi, il rit franchement.

— Allons, allons, foi de gentilhomme ! votre jalousie est dans son droit, Benvenuto, et d’artiste à roi on se comprend.

— Adieu, mon ami ; je vous recommande mes statues. Vous commencerez par Jupiter, naturellement, et quand vous aurez achevé le modèle, vous me le montrerez. Adieu ; bonne chance ! à l’hôtel de Nesle !

— Que j’aille le montrer, c’est bientôt dit, sire ; mais comment entrerai-je au Louvre ?

— Votre nom sera donné aux portes avec l’ordre de vous introduire jusqu’à moi.

Cellini s’inclina, et suivi de Pagolo et d’Ascanio, accompagna le roi et la cour jusqu’à la porte de la rue. Arrivé là, il s’agenouilla et baisa la main de François Ier.

— Sire, dit-il d’un ton pénétré, vous m’avez déjà, par l’entremise de monseigneur de Montluc, sauvé de la captivité et peut-être de la mort ; vous m’avez comblé de richesses, vous avez honoré mon pauvre atelier de votre présence ; mais ce qui passe tout cela, sire, ce qui fait que je ne sais comment vous remercier, c’est que vous allez si magnifiquement au-devant de tous mes rêves. Nous ne travaillons d’ordinaire que pour une race d’élite disséminée à travers les siècles, mais moi j’aurai eu le bonheur de trouver vivant un juge toujours présent, toujours éclairé. Je n’ai été jusqu’à présent que l’ouvrier de l’avenir, laissez-moi me dire désormais l’orfèvre de Votre Majesté.

— Mon ouvrier, mon orfèvre, mon artiste et mon ami, Benvenuto, si ce titre ne vous paraît pas plus à dédaigner que les autres. Adieu, ou plutôt au revoir