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Page:Dumas, Ascanio, t2, 1860.djvu/320

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ASCANIO.

périls de son amour. Il en était toujours ainsi pour la duchesse : quand les soucis de son ambition se reposaient, c’était aux ardeurs de son âme à la dévorer. Faite d’orgueil et de passion, son rêve avait été de rendre Ascanio grand en le rendant heureux ; mais Ascanio, la duchesse s’en était aperçue, quoique d’origine noble (car les Gaddi, auxquels il appartenait, étaient d’anciens patriciens de Florence,), n’aspirait à d’autre gloire qu’à celle de faire de l’art.

S’il entrevoyait quelque chose dans ses espérances, c’était quelque forme bien pure de vase, d’aiguière ou de statue ; s’il ambitionnait les diamans et les perles, ces richesses de la terre, c’était pour en faire, en les enchâssant dans l’or, des fleurs plus belles que celles que le ciel féconde avec sa rosée ; les titres, les honneurs, ne lui étaient rien s’ils ne découlaient de son propre talent, s’ils ne couronnaient sa réputation personnelle : que ferait dans la vie active et agitée de la duchesse cet inutile rêveur ? Au premier orage, cette plante délicate serait brisée avec les fleurs qu’elle portait déjà et avec les fruits qu’elle promettait. Peut-être par découragement, peut-être par indifférence, se laisserait-il entraîner dans les projets de sa royale maîtresse ; mais ombre pâle et mélancolique, il ne vivrait que par ses souvenirs. Ascanio, enfin, apparaissait à la duchesse d’Etampes tel qu’il était, nature exquise et charmante, mais à la condition de rester toujours dans une atmosphère pure et calme : c’était un adorable enfant qui ne devait jamais être homme. Il pouvait se dévouer à des sentimens, jamais à des idées ; né pour les doux épanchemens d’une tendresse mutuelle, il succomberait au choc terrible des événemens et des luttes. C’était bien l’homme qu’il fallait à