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Or, comme le visage du saint regardait cette rue, on disait qu’il avait le nez tourné à la friandise.

C’est ainsi que l’on dit de la statue de la reine Anne, à Londres, reine passablement friande, de vin de Champagne surtout :

C’est comme la reine Anne, qui tourne le dos à l’église et qui regarde le marchand de vin.

Et, en effet, soit hasard de la pose, soit malice du statuaire, la reine Anne commet cette inconvenance, qui peut passer pour une critique de sa vie, de tourner le dos à Saint-Paul et de garder son sourire royal pour le grand marchand de vin qui fait le coin de la rue.

Brillat-Savarin, le La Bruyère de cette seconde catégorie des gourmands, a dit :

L’animal se repaît, l’homme mange, l’homme d’esprit seul sait manger.

La troisième gourmandise, pour laquelle je n’ai que des lamentations, est celle des malheureux atteints de la boulimie, maladie qui attaqua Brutus après la mort de César ; ceux-là ne sont ni des gourmands, ni des gourmets, ce sont des martyrs.

Ce fut sans doute dans un accès de cette fatale maladie qu’Ésaü vendit à Jacob son droit d’aînesse pour un plat de lentilles.

Or c’était un droit d’une grande importance que ce droit d’aînesse chez les Hébreux, puisqu’il remettait entre les mains du premier-né la possession des biens et un pouvoir absolu sur toute la famille.

Cependant Ésaü avait pris son parti de ce premier marché passablement indélicat de la part d’un frère, lorsque Isaac lui dit : « Prends ton arc et tes flèches et apporte-moi le fruit de ta chasse, puis tu l’apprêteras de tes propres mains, car je veux te donner ma bénédiction avant de mourir. »

Rébecca entendit ces paroles, tua deux chevreaux ; et, comme elle avait un faible pour Jacob, tandis qu’Ésaü, son arc à la main, exécutait le commandement d’Isaac, elle assaisonna les chevreaux, couvrit de leurs peaux les mains de Jacob, et, à l’aide de ce stratagème, lui fit donner la bénédiction paternelle par Isaac. C’était la seconde fois qu’Ésaü était volé ; mais cette