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Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/531

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dindon.

Quelques savants ont contesté ce fait, et ont dit que c’était des pintades ; mais Pline (livre 37, chap. II) décrit le dindon à ne pouvoir s’y méprendre. Sophocle, dans une de ses tragédies perdues, introduisait un chœur de dindons qui pleuraient sur la mort de Méléagre.

Les Romains professaient une estime particulière pour les dindons : ils les élevaient dans leurs métairies. Comment disparurent-ils ? quelle épidémie les enleva ! c’est ce que l’histoire ne nous apprend point. Seulement ils devinrent si rares qu’on finit par les mettre en cage, comme on y met aujourd’hui les perroquets.

En 1432, les vaisseaux de Jacques Cœur, qui commença par être un des premiers négociants du monde et qui finit par être argentier et maître d’artillerie du roi Charles VII, en 1432, disons-nous, les vaisseaux de Jacques Cœur rapportèrent les premiers dindons de l’Inde. Nous ne devons donc point ce précieux oiseau aux jésuites, comme la croyance en est vulgairement répandue, puisque l’ordre des jésuites ne fut fondé par Ignace de Loyola qu’en 1534 et ne fut approuvé par le pape Paul III qu’en 1540.

Cette croyance que les sectateurs de Loyola ont importé le dindon d’Amérique, fait que quelques mauvais plaisants ont pris l’habitude d’appeler les dindons des jésuites. Les dindons ont exactement le même droit de se fâcher de ce changement de nom, que l’auraient les jésuites si on les appelait des dindons. Notre avis n’est donc pas celui de la plupart des savants qui disent que le dindon vient d’Amérique. L’Amérique, découverte en 1492 par Christophe Colomb, ne pouvait en 1450, c’est-à-dire quarante-deux ans auparavant, approvisionner les vaisseaux de Jacques Cœur, quoique la devise de celui-ci fut : — À vaillant cœur, rien d’impossible. — Son nom de poule d’Inde, d’où dérive le mot dindon, paraîtrait plus naturel d’ailleurs, venant de l’Inde que venant d’Amérique, quoique l’on prît à cette époque l’habitude d’appeler l’Amérique l’Inde occidentale.

Aujourd’hui on trouve en Amérique, et surtout chez les Illinois, le dindon à l’état sauvage. Brillat-Savarin, dans sa physiologie du goût, se fait le héros d’une chasse où il eut le bonheur de tuer un dindon. Un chasseur canadien m’a assuré