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dindon.

— Oui, mon père, répondit le jeune homme en saluant respectueusement.

— C’est vous qui vous faites embrocher sept dindes pour votre souper ?

— Monsieur, lui répondit l’aimable jeune homme, je comprends que vous soyez péniblement affecté de me voir manifester des sentiments si vulgaires et si peu conformes à la distinction de ma naissance, mais je n’avais pas le choix des aliments, il n’y avait que cela dans la maison.

— Pardieu ! je ne vous reproche pas de manger de la dinde, à défaut de poulardes ou de faisan ; en voyage on est bien obligé de manger ce qu’on trouve, mais je vous reproche de faire mettre pour vous seul sept dindes à la broche.

— Monsieur, je vous ai toujours entendu dire à vos amis, qu’il n’y avait réellement de bon, dans le dindon non truffé ; que les sot-l’y-laisse.

— J’ai fait mettre sept dindes à la broche pour avoir quatorze sot-l’y-laisse.

— Ceci répliqua son père, obligé de rendre hommage à l’intelligence du jeune homme, me parait un peu dispendieux pour un garçon de dix-huit ans, mais je ne saurais dire que ce soit déraisonnable. »

Avignon a été de tout temps une ville où l’on a mangé à merveille, c’est une vieille tradition du temps où Avignon était ville pontificale.

Un respectable président du tribunal de cette ville appréciait les qualités du dindon.

Il disait un jour :

« Par ma foi, nous venons de manger un superbe dinde, il était excellent, bourré de truffes jusqu’au bec, tendre comme une poularde, gras comme un ortolan, parfumé comme une grive. Nous n’en avons, ma foi, laissé que les os.

— Combien étiez-vous ? demanda un curieux.

— Nous étions deux, monsieur ! répondit-il.

— Deux ?…

— Oui. Le dinde et moi. »

Louis XV voulant un jour visiter la ménagerie de Versailles,