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hareng.

On en fait alors dans certaines provinces, une fricassée très-appétissante et confortable, en les faisant frire en petits morceaux, sans être dessalés, dans du saindoux avec un amas de poireaux crus et hachés, que Pon mélange avec des pommes de terre de la grosse espèce farineuse que l’on a fait cuire à l’eau bien salée, avec quelques tiges de romarin.

Le hareng frais est un excellent poisson dont on ferait le plus grand cas, s’il était cher et s’il était rare ; il faut le choisir avec des ouïes rouges, des écailles brillantes, rebondi du côté du ventre, car alors il est plein, mais ce n’est guère qu’à la fin d’août ou à la mi-septembre qu’on le mange dans toute sa saveur. Il subsistait encore au xvie siècle un usage assez bizarre parmi les chanoines de la cathédrale de Reims. Le mercredi saint, après les ténèbres, ils allaient processionnellement à l’église de Saint-Remi, rangés sur deux files, chacun d’eux traînant derrière soi un hareng attaché à une corde. Chaque chanoine était occupé à marcher sur le hareng de celui qui le précédait et à sauver le sien des surprises du suivant. Cet usage extravagant ne put être supprimé qu’avec la procession. La pêche du hareng est, comme on le sait, une des branches de commerce les plus productives pour l’Angleterre qui en exporte surtout beaucoup en Italie pour la semaine sainte. Dans le temps que le pape Pie VII fut.obligé de quitter Rome conquise par les Français en révolution, le comité de la chambre des communes, à Londres, s’occupant de la pêche des harengs, un membre fit observer que le pape étant chassé de Rome, l’Italie allait vraisemblablement se faire protestante : — « Dieu nous en préserve ! s’écria un autre membre. — Comment, reprit le premier, seriez-vous fâché de voir s’accroître le nombre des bons protestants ? — Non, répondit l’autre, ce n’est pas cela, mais s’il n’y a plus de catholiques, que ferons - nous de nos harengs ?... »

Un gascon disait que, s’il étajt gouverneur d’une ville ou d’une place assiégée, il tiendrait bon malgré la plus cruelle famine. — « Je ne suis plus surpris, monsieur, lui dit son valet, si vous tenez si longtemps table quand vous n’avez à manger qu’un hareng saur. »