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Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/811

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L’ours brun se trouve communément dans les Alpes ; l'ours gris, le plus implacable de tous, qui force à la course le cheval d’abord, le cavalier ensuite, se trouve en Amérique. U y a dans le Canada et en Savoie des ours rougeâtres, qui ne mangent pas de chair, mais qui sont si friands de miel et de lait, qu’ils se feraient plutôt tuer que de lâcher prise quand ils tiennent un gâteau de miel ou une cruche de lait. Les noirs n’habitent guère que les pays froids. Les forêts et les campagnes du Kamtschatka sont pleines d’ours qui n’attaquent qu’autant qu’ils sont eux-mêmes attaqués ; et, chose singulière, ils ne font Jamais de mal aux femmes, qu’ils suivent cependant pour leur dérober les fruits qu’elles ramassent.

Lorsque les Jacoutes, peuples de la Sibérie, rencontrent un ours, ils ôtent leur bonnet, le saluent, l’appellent chef, vieillard ou grand-papa, et lui promettent de ne pas l’attaquer ni de ne Jamais dire du mal de lui. Mais s’il fait mine de vouloir se Jeter sur eux, ils tirent sur lui, et, s’ils le tuent, ils le coupent en morceaux, le font rôtir et s’en régalent, en répétant sans cesse : Ce sont les Russes qui te mangent et non pas nous[1]

La chair de l’ours est mangée aujourd’hui par tous les peuples de l’Europe. Dès l’antiquité, on regardait les pieds de devant comme la partie la plus délicate de l’animal ; les Chinois les estiment beaucoup, et en Allemagne, où la chair de l’ourson est très estimée, les pieds de devant font les délices des gens riches.

Voici, d’après M. Urbain Dubois, cuisinier de Leurs Majestés prussiennes, comment ces pieds se servent à Moscou, à Saint-Pétersbourg et par toute la Russie : les pattes s’y vendent tout écorchées ; on commence par les laver, les saler, les déposer dans une terrine, les couvrir avec une marinade cuite au vinaigre, les faire macérer pendant deux ou trois Jours ; foncer une casserole avec des débris de lard et de Jambon ainsi que des légumes émincés ; puis on range les pattes d’ours sur les légumes ; on les mouille à couvert avec leur marinade et du bouillon ; on les couvre avec des bardes de lard ; on les fait cuire pendant sept à huit

  1. A.-F. Aulagnier, Dictionnaire des Aliments et des Boissons,