PROLOGUE
CHRISTINE.
DESCARTES.
STEINBERG.
UN JEUNE PAGE.
Cher Descartes ! je suis heureux, sur ma parole,
De Paris à Stockholm je ne viens pas, je vole ;
J’achève en quinze jours, sans le moindre accident,
Un voyage éternel ; et lorsqu’en descendant
On me dit que mon oncle est auprès de la reine,
Qui visite sa flotte, un vague instinct m’entraîne ;
J’arrive, et je vous vois : vrai Dieu, j’hésiterais
Presque à vous reconnaître au milieu des marais ;
Je vous croyais encore au fond de la Hollande,
Cherchant quelque problème, errant sur quelque lande.
Ainsi faisais-je ; mais Christine m’écrivit
Qu’elle voulait me voir ; je vins, elle me vit,
En physique avec moi soutint un savant thème,
Reçut le philosophe, et railla le système.
Comment ! vos tourbillons, vos atomes crochus ?
Du droit de bourgeoisie à Stockholm sont déchus.
En échange, j’habite un beau palais gothique,
Là-bas, entre le lac Maelar et la Baltique.
Et vous êtes heureux ?
Pour combler mes désirs il ne fallait pas tant ;
Il n’est pas un endroit qu’à l’autre je préfère,
Et, pourvu qu’on me donne un compas, une sphère,
Pendant de longues nuits, un ciel bien étoilé,
Fussé-je malheureux, je serais consolé.
Vous soupirez pourtant ?
De sinistres pensers je ne suis pas le maître.
Je sens qu’il me faudrait un air plus attiédi.
Combien de fois, Steinberg, tourné vers le midi,
Lorsqu’un souffle plus doux passait sur la falaise,
Je sentais que mon sein respirait plus à l’aise !