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Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/223

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Par là !… ah ! oui, c’est l’appartement de Pauline ; qu’est-ce que je lui dirai si je la rencontre ? cette porte, elle conduit chez madame de Vertpré ; si je la vois, décemment il faudra une réponse à cette lettre. Ah ça ! mais je suis cerné, moi !… Ah ! cette fenêtre qui donne sur le parc ! Un peu haute, mais, ma foi, c’est sur le gazon.

(Pendant qu’il monte sur ta fenêtre, M. de Vertpré entre doucement, et, le voyant prêt à sauter, il l’arrête par le pan de son habit. Tous les deux se regardent.)
m. de vertpré.

Que diable fais-tu là ?

léon, descendant de la fenêtre.

Moi ? rien, mon oncle, je prends l’air.

m. de vertpré.

Eh bien ! l’entrevue ?

léon, à part.

Ah ! oui, l’entrevue, nous y voilà.

m. de vertpré.

La scène a-t-elle été chaude ?

léon.

Très-chaude.

m. de vertpré.

Raconte-moi ça.

léon.

Laisses-moi m’en aller, mon oncle.

m. de vertpré, le retenant.

Comment ?

léon.

Je vous en prie ; vous n’en serez pas fâché.

m. de vertpré.

Mais du tout.

léon.

Vous voulez que je reste ?

m. de vertpré.

Je l’exige.

léon, à part.

On ne peut pas fuir sa destinée.

m. de vertpré.

Tu dis ?

léon.

Mon pauvre oncle !

m. de vertpré.

Hein ?

léon.

Vous me faites de la peine.

m. de vertpré.

Plaît-il ?

léon.

Car enfin vous êtes bon, et vous méritiez d’être aimé.

m. de vertpré.

Allons ! allons au fait.

léon.

Mais ne voyez-vous pas que c’est le fait qui m’embarrasse ?

m. de vertpré.

Qu’est-ce que ça veut dire ! Est-ce qu’elle t’a refusé Pauline ?

léon.

Pardieu !

m. de vertpré.

Comment pardieu ? voilà un pardieu qui est bien bizarre.

léon.

Mais franchement peut-elle me la donner ? De pareils sacrifices sont au-dessus de la force d’une femme.

m. de vertpré.

Allons, quand tu voudras t’expliquer…

léon.

Mais vous ne me comprenez donc pas ?

m. de vertpré.

Quoi ?

léon.

Vous ne comprenez donc pas que votre femme… mais c’est très-difficile à dire à un mari ces choses-là, et vous devriez m’épargner le désagrément… Non ? eh bien, mon oncle, votre femme m’aime, voilà tout !…

m. de vertpré.

Ah ! voilà tout ! Ah çà ! mais tu es… tu es… aliéné, j’espère ?

léon.

Non, mon oncle, je suis… je suis très-mortifié.

m. de vertpré.

Et moi donc !… il me semble !… Mais ce matin j’ai entendu… j’étais là…

léon.

Eh bien, c’est justement cela. Ce matin vous étiez là, et on savait que vous étiez là ; ce soir vous n’y étiez plus, et on savait que vous n’y étiez plus.

m. de vertpré, regardant d’un air hébété.

Bah !

léon.

C’est votre faute aussi, mon oncle, c’est vous qui êtes cause de tout cela ; a-t-on jamais vu se faire passer pour mort ! Je vous demande un peu s’il existe dans le monde des circonstances capables de faire adopter une pareille résolution à un mari ! Mais dites-moi donc un peu ce qui vous y forçait ?

m. de vertpré.

Oui, le moment est bien choisi, n’est-ce pas, pour te faire ce récit ?

léon.

C’est vous qui nous avez conduits où nous en sommes.

Vous avez voulu que j’eusse une entrevue avec votre femme ; eh bien, je l’ai eue cette entrevue… et je vous pardonne. 
m. de vertpré.

Il me pardonne ! eh bien ! il est excellent, lui !