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Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/224

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léon.

Oui, car vous ne pouviez pas deviner le résultat.

m. de vertpré.

Le résultat ?

léon.

Il vous était impossible de penser qu’on me donnerait à entendre aussi clairement…

m. de vertpré.

On t’a donné à entendre clairement !

léon.

Oh ! si cela se fut arrêté là, il y avait encore moyen d’éluder.

m. de vertpré.

Ah ! ça ne s’est pas arrêté là !

léon.

Non, non, mon oncle, cela a été plus loin.

m. de vertpré.

Dis-moi donc vite jusqu’où cela a été ?

léon.

Je ne le devrais pas peut-être ; car un homme d’honneur doit garder de pareils secrets, si ce n’est pour lui, du moins pour la femme qui les lui a confiés, mais…

m. de vertpré.

Mais nous nous sommes donné notre parole de tout nous dire.

léon.

Je le sais, et c’est cette parole qui faisait que j’aimais mieux m’en aller par la fenêtre.

m. de vertpré.

Jeune homme, au nom de cette parole que j’ai respectée, moi, puisque je vous ai tout dit, au nom de l’honneur, je vous adjure…

léon.

Vous vous souvenez, mon oncle ce matin, je vous disais que je ne connaissais pas l’écriture de votre femme.

m. de vertpré.

Eh bien ?

léon.

Eh bien, ce soir, je la connais.

m. de vertpré.

Elle t’a écrit ?

léon.

Elle m’a écrit.

m. de vertpré.

Cela ne se peut pas.

léon.

Cela ne se peut pas ! C’est inouï ! ils sont tous comme cela.

m. de vertpré.

Tu dis cela pour m’effrayer. C’est une plaisanterie, n’est-ce pas ?

léon.

Oui, je suis bien en train de plaisanter. Vous mériteriez que je vous montrasse sa lettre.

m. de vertpré.

Je t’en défie !

léon, montrant la main gauche avec laquelle
il la serre.

Eh bien ! mon oncle, tenez, je ne puis pas vous la laisser lire, mais la voilà.

m. de vertpré, s’avançant pour la prendre.

La voilà ! Léon, au nom de l’honneur de ton oncle si gravement compromis, car il est gravement compromis l’honneur de ton oncle… tu n’en doutes pas ?…

léon.

Non, mon oncle, je n’en doute pas.

m. de vertpré.

Remets-moi cette lettre, je t’en supplie !

léon.

Impossible !

m. de vertpré.

Mais elle contient donc des choses ?…

léon.

Elle en contient.

m. de vertpré.

Plus fortes que celles que tu m’as dites ?

léon.

Oh ! non !

m. de vertpré.

Eh bien ?

léon.

Mais une lettre, mon oncle, c’est une preuve ; est-ce à moi de vous la donner ?

m. de vertpré.

Je te la rendrai, parole d’honneur ! (Il la lui enlève.) Je la tiens !

léon.

Mon oncle ! mon oncle !

m. de vertpré.

Laissez-moi, je serai prudent. Que vais-je lire ?

(Il tombe anéanti dans un fauteuil.)
léon, se parlant à lui-même.

Quelle bizarrerie ! je vous le demande ! attendre le retour de son mari, lorsque, me voyant tous les jours tête à tête, il lui était si facile…

m. de vertpré, se levant vivement.

Qu’est-ce que tu dis donc là, toi ?

léon.

Pardon, pardon ! mais je suis désespéré, car enfin si elle me refuse Pauline…

m. de vertpré.

Pauline ? tu penses à te marier, avec mon exemple sous les yeux !… Non, non, je ne le souffrirai pas.

léon.

Mon oncle, mon oncle ! si vous m’exaspérez… (Avec intention.) Je suis capable de tout, je vous en préviens.

m. de vertpré.

Jeune homme, jeune homme ! Léon, mon neveu,