un de guerre qui n’est pas le mien et que je porte.
Et lequel me direz-vous ?
Mon nom de guerre, Buridan.
Buridan ; avez-vous quelqu’un en cour ?
Personne.
Vos ressources ?
Sont là — (Il frappe son front.) et là — (Il frappe son cœur.) Dans la tête et le cœur.
Vous comptez sur votre bonne mine et sur l’amour ; vous avez raison, mon cavalier.
Je compte sur autre chose encore ; je suis du même âge, du même pays que la reine… j’ai été page du duc Robert II, son père, lequel est mort assassiné… la reine et moi n’avions pas, à nous deux, l’âge que chacun de nous a seul maintenant.
Quel est votre âge ?
Trente-cinq ans.
Eh bien !
Eh bien ! il y a depuis cette époque un secret entre Marguerite de Bourgogne et moi… un secret qui me tuera, jeune homme, ou qui fera ma fortune.
Bonne chance !
Dieu vous le rende, mon soldat.
Mais cela ne commence pas mal.
Ah !
Oui, aujourd’hui, comme je revenais de voir passer le cortège de la reine, je me suis aperçu que j’étais suivi par une femme. J’ai ralenti mon pas et elle a doublé le sien ;… le temps de retourner un sablier, elle était près de moi : « Mon jeune seigneur, m’a-t-elle dit, une dame qui aime l’épée vous trouve bonne mine ; êtes-vous aussi brave que joli garçon ? êtes-vous aussi confiant que brave ? — S’il ne faut à votre dame, ai-je répondu, qu’un cœur qui passe sans battre à travers un danger pour arriver à un amour… je suis son homme, pourvu toutefois qu’elle soit jeune et jolie ; sinon qu’elle se recommande à sainte Catherine et qu’elle entre dans un couvent. — Elle est jeune et elle est belle. — C’est bien. — Elle vous attend ce soir. — Où ? — Trouvez-vous à l’heure du couvre-feu, au coin de la rue Froid-Mantel, un homme s’approchera de vous, et dira : Votre main ? Vous lui montrerez cette bague et vous le suivrez. Adieu, mon soldat, plaisir et courage… » Alors elle m’a mis au doigt cet anneau, et a disparu.
Vous irez à ce rendez-vous ?
Par mon saint patron ! je n’ai garde d’y manquer.
Mon cher ami, je vous en félicite… Il y a quatre jours de plus que vous que je suis à Paris, et excepté Landry, qui est une vieille connaissance de guerre, je n’ai pas rencontré un visage sur lequel je puisse appliquer un nom… Sang-Dieu !… je ne suis cependant d’âge ni de mine à n’avoir plus d’aventures.
Scène III
Seigneur capitaine…
Qu’y a-t-il, ma gracieuse ?
Deux mots tout bas.
Pourquoi pas tout haut ?
Parce qu’il n’y a que deux mots à dire et qu’il y a quatre oreilles pour les entendre.
C’est bien… Prenez mon bras, mon inconnue, et dites-moi ces deux mots… (À Philippe.) Vous permettez ?…
Faites !
Une dame qui aime l’épée vous trouve bonne mine ; êtes-vous aussi brave que joli garçon ? êtes-vous aussi confiant que brave ?
J’ai fait vingt ans la guerre aux Italiens, les plus mauvais coquins que je connaisse ; j’ai fait vingt ans