car je présume que tu es de notre avis, puisque tu ne dis rien…
J’attendais l’occasion favorable de vous présenter une petite requête.
Laquelle ?
La voilà…
Comment ! un bon du d’Épernon… sur moi ! c’est une plaisanterie…
Il a dit que, si vous n’y faisiez pas honneur, il irait vous trouver, et le ferait acquitter lui-même…
Qu’il vienne, morbleu !… a-t-il oublié qu’avant d’être procureur, j’ai été maître d’armes au régiment de Lorraine !… Je crois que le cher favori est jaloux des statues qui ornent les tombeaux de Quelus et de Maugiron ? Eh bien ! qu’à cela ne tienne… nous le ferons tailler en marbre à son tour.
Gardez-vous-en bien, maître Bussy ! Je ne voudrais pas, pour vingt-cinq de mes amis, ne pas avoir un tel ennemi… son insolence recrute pour nous… Donne-moi ce billet, Ruggieri. Dix écus noble rose ? c’est cent vingt livres tournois… les voilà.
Que faites-vous donc, monseigneur ?
Soyez tranquille : quand le moment de régler nos comptes sera arrivé, je m’arrangerai de manière à ce qu’il ne reste pas mon débiteur… Mais il se fait tard… à demain soir, messieurs. Les portes de l’hôtel de Guise seront ouvertes à tous nos amis ; madame de Montpensier en fera les honneurs ; et seront doublement bien venus ceux qui viendront avec la double croix de Lorraine ! Ruggieri, reconduis ces messieurs. Ainsi, c’est dit ; à demain soir, à l’hôtel de Guise.
Oui, monseigneur…
Scène VIII.
Par saint Henri de Lorraine ! c’est un rude métier que celui que j’ai entrepris… Ces gens-là croient
qu’on arrive au trône de France comme à un bénéfice de province. Le duc de Guise roi de France !
c’est un beau rêve… Cela sera, pourtant ; mais,
auparavant, que de rivaux à combattre ! Le duc
d’Anjou d’abord… c’est le moins à craindre ; il est
haï également du peuple et de la noblesse, et on le
déclarerait facilement hérétique et inhabile à succéder… Mais, à son défaut, l’Espagnol n’est-il pas
là pour réclamer, à titre de beau-frère, l’héritage
du Valois ?… Le duc de Savoie, son oncle par alliance, voudra élever des prétentions. Le duc de
Lorraine a épousé sa sœur… Peut-être y aurait-il
un moyen ? Ce serait de faire passer la couronne
de France sur la tête du vieux cardinal de Bourbon,
et de le forcer à me reconnaître pour héritier…
J’y songerai… Que de peines ! de tourments !… pour
qu’à la fin peut-être la balle d’un pistolet ou la lame d’un poignard… Ah ! —
(Il laisse tomber sa main avec découragement ; elle se pose sur le mouchoir oublié par la duchesse.)
Qu’est cela ?… mille damnations !… ce mouchoir appartient à la duchesse
de Guise… voilà les armes réunies de Clèves et de
Lorraine… Elle serait venue ici !… Saint-Mégrin !…
Oh ! Mayenne ! Mayenne ! tu ne t’étais donc pas
trompé ! et lui… lui… — (Appelant.) Saint-Paul !
— (Son écuyer entre.) Saint-Paul ! qu’on me cherche les mêmes hommes qui ont assassiné Dugast.