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LE DUC DE GUISE.

En ce cas, sortez, Arthur… Eh bien !…

ARTHUR.

J’attends les ordres de ma maîtresse, monsieur le duc.

LE DUC DE GUISE.

Vous l’entendes, madame ?

LA DUCHESSE DE GUISE.

Arthur, éloignez-vous.

ARTHUR.

J’obéis.

(Il sort.)



Scène V.


LE DUC DE GUISE, LA DUCHESSE DE GUISE.
LE DUC DE GUISE.

Vrai Dieu ! madame, il est bien bizarre que les ordres donnés par ma bouche aient besoin d’être ratifiés par la vôtre…

LA DUCHESSE DE GUISE.

Ce jeune homme m’appartient, et il a cru devoir attendre de moi-même…

LE DUC DE GUISE.

Cette obstination n’est pas naturelle, madame ; on connaît Henri de Lorraine, et l’on sait qu’il a toujours chargé son poignard de réitérer un ordre de sa bouche.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Eh ! monsieur, quelle conséquence pouvez-vous tirer du plus ou moins d’obéissance de cet enfant ?

LE DUC DE GUISE.

Moi, aucune… mais j’avais besoin de son absence pour vous exposer plus librement le motif qui m’amène… Voulez-vous bien me servir de secrétaire ?

LA DUCHESSE DE GUISE.

Moi, monsieur, et pour écrire à qui ?

LE DUC DE GUISE.

Que vous importe ? c’est moi qui dicterai. (Approchant une plume et du papier.) Voilà ce qu’il vous faut.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Je crains de ne pouvoir former un seul mot ; ma main tremble… ne pourriez-vous par une autre personne ?…

LE DUC DE GUISE.

Non, madame… il est indispensable que ce soit vous.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Mais, au moins, remettez à plus tard…

LE DUC DE GUISE.

Cela ne peut se remettre, madame ; d’ailleurs, il suffira que votre écriture soit lisible… écrivez donc.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Je suis prête…

LE DUC DE GUISE, dictant.

Plusieurs membres de la Sainte-Union se rassemblent, cette nuit, à l’hôtel de Guise ; les portes en resteront ouvertes jusqu’à une heure du matin ; vous pouvez y à l’aide d’un costume, de ligueur, passer sans être aperçu… l’appartement de madame la duchesse de Guise est au second…

LA DUCHESSE DE GUISE.

Je n’écrirai pas davantage que je ne sache à qui est destiné ce billet…

LE DUC DE GUISE.

Vous le verrez, madame, en mettant l’adresse.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Elle ne peut être pour vous, monsieur ; et à tout autre, elle compromet mon honneur…

LE DUC DE GUISE.

Votre honneur !… Vive Dieu ! madame ; et qui doit en être plus jaloux que moi ? … laissez-m’en juge, et suivez mon désir…

LA DUCHESSE DE GUISE.

Votre désir, je dois m’y refuser.

LE DUC DE GUISE.

Obéissez à mes ordres, alors…

LA DUCHESSE DE GUISE.

À vos ordres !… peut-être ai-je le droit d’en demander la cause…

LE DUC DE GUISE.

La cause, madame ; tous ces retardements me prouvent que vous la connaissez.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Moi, et comment ?

LE DUC DE GUISE.

Peu m’importe… écrivez.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Permettez que je me retire…

LE DUC DE GUISE.

Vous ne sortirez pas.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Vous n’obtiendrez rien de moi, en me contraignant à rester.

LE DUC DE GUISE, la forçant à s’asseoir.

Peut-être vous réfléchirez, madame : mes ordres méprisés par vous ne le sont point encore par tout le monde… et d’un mot, je puis substituer à l’oratoire élégant de l’hôtel de Guise l’humble cellule d’un cloître.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Désignez-moi le couvent où je dois me retirer, monsieur le duc ; les biens que je vous ai apportés comme princesse de Porcian y paieront la dot de la duchesse de Guise.