En ce cas, sortez, Arthur… Eh bien !…
J’attends les ordres de ma maîtresse, monsieur le duc.
Vous l’entendes, madame ?
Arthur, éloignez-vous.
J’obéis.
Scène V.
Vrai Dieu ! madame, il est bien bizarre que les ordres donnés par ma bouche aient besoin d’être ratifiés par la vôtre…
Ce jeune homme m’appartient, et il a cru devoir attendre de moi-même…
Cette obstination n’est pas naturelle, madame ; on connaît Henri de Lorraine, et l’on sait qu’il a toujours chargé son poignard de réitérer un ordre de sa bouche.
Eh ! monsieur, quelle conséquence pouvez-vous tirer du plus ou moins d’obéissance de cet enfant ?
Moi, aucune… mais j’avais besoin de son absence pour vous exposer plus librement le motif qui m’amène… Voulez-vous bien me servir de secrétaire ?
Moi, monsieur, et pour écrire à qui ?
Que vous importe ? c’est moi qui dicterai. (Approchant une plume et du papier.) Voilà ce qu’il vous faut.
Je crains de ne pouvoir former un seul mot ; ma main tremble… ne pourriez-vous par une autre personne ?…
Non, madame… il est indispensable que ce soit vous.
Mais, au moins, remettez à plus tard…
Cela ne peut se remettre, madame ; d’ailleurs, il suffira que votre écriture soit lisible… écrivez donc.
Je suis prête…
Plusieurs membres de la Sainte-Union se rassemblent, cette nuit, à l’hôtel de Guise ; les portes en resteront ouvertes jusqu’à une heure du matin ; vous pouvez y à l’aide d’un costume, de ligueur, passer sans être aperçu… l’appartement de madame la duchesse de Guise est au second…
Je n’écrirai pas davantage que je ne sache à qui est destiné ce billet…
Vous le verrez, madame, en mettant l’adresse.
Elle ne peut être pour vous, monsieur ; et à tout autre, elle compromet mon honneur…
Votre honneur !… Vive Dieu ! madame ; et qui doit en être plus jaloux que moi ? … laissez-m’en juge, et suivez mon désir…
Votre désir, je dois m’y refuser.
Obéissez à mes ordres, alors…
À vos ordres !… peut-être ai-je le droit d’en demander la cause…
La cause, madame ; tous ces retardements me prouvent que vous la connaissez.
Moi, et comment ?
Peu m’importe… écrivez.
Permettez que je me retire…
Vous ne sortirez pas.
Vous n’obtiendrez rien de moi, en me contraignant à rester.
Peut-être vous réfléchirez, madame : mes ordres méprisés par vous ne le sont point encore par tout le monde… et d’un mot, je puis substituer à l’oratoire élégant de l’hôtel de Guise l’humble cellule d’un cloître.
Désignez-moi le couvent où je dois me retirer, monsieur le duc ; les biens que je vous ai apportés comme princesse de Porcian y paieront la dot de la duchesse de Guise.