Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/588

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

RESINA}}.

Pourquoi ?

PAQUITA.

Parce que, comme la princesse Boudour, nous trouverons peut-être un génie.

TERESINA.

Et quels sont les trois souhaits que tu formeras ?

PAQUITA.

Moi, je n’en formerai qu’un.

TERESINA.

Lequel ?

PAQUITA.

Celui d’être à la place de Madame.

TERESINA.

Et tu te trouverais heureuse ?

PAQUITA.

Certes ! Car, lorsqu’on est jeune et jolie, ce ne sont plus trois souhaits qu’on peut former, ce sont mille caprices qu’on peut avoir. Croyez-moi, señora, l’éventail d’une jolie femme est plus puissant que la baguette d’une fée.

TERESINA.

Et comment cela ?

PAQUITA.

D’abord cela parle, un éventail.

TERESINA.

Quelle langue ?

PAQUITA.

La plus jolie de toutes, la langue de l’amour. Écoutez. Vous êtes à la promenade, un jeune seigneur passe et vous salue ; s’il ne vous convient pas, vous regardez dédaigneusement les dessins ; cela veut dire clairement : « Passez au large, mon beau seigneur, car vous n’obtiendrez rien de nous. » Au lieu de cela, le cavalier qui passe vous plaît-il, oh ! Alors, comme vous ne pouvez pas tout de suite lui rendre son salut, vous vous couvrez la figure ainsi, comme si vous ne vouliez pas le voir, et vous le regardez à travers les branches ; cela signifie : « Vous êtes assez de notre goût, mon gentilhomme, et, si votre naissance et votre fortune répondent à votre tournure, on aura peut-être la faiblesse de vous aimer. » Le gentilhomme comprend cela comme si une duègne venait de le lui dire à l’oreille ; dix minutes après, il repasse, et trouve que la señora, en partant, a oublié son éventail sur sa chaise ; il s’approche de l’éventail, le prend, le porte à ses lèvres, et l’éventail lui dit : « Ma maîtresse ne vous voit pas avec indifférence ; rapportez-moi chez elle, car elle serait désolée de me perdre. » Vous entendez une sérénade sous votre balcon ; c’est votre éventail qui revient et qui vous dit : « Ma belle maîtresse, je suis aux mains d’un seigneur qui vous aime ; voyez comme il m’embrasse après chaque couplet ; c’est que vos jolies mains m’ont touché ; maintenant, répétez la ritournelle de l’air que la musique vient d’exécuter… Très bien, ma belle maîtresse ! Ne vous ennuyez pas trop de nous, bientôt nous viendrons vous remercier. En effet, dix minutes après, on entend des pas dans le corridor ; c’est un page qui annonce le seigneur Don Ramire Mendoce ou Don Alphonse, c’est notre gentilhomme. » Il entre ; vous examinez son costume, pour voir s’il est riche et de bon goût ; vous regardez son page, pour voir s’il a une livrée ; vous jetez un coup d’œil sur sa litière, pour voir si elle a des armoiries ; et, s’il est beau, s’il est riche, s’il est noble, vous lui dites : « Je veux trois choses », et il vous les donne !…

TERESINA.

Mais sais-tu bien, Paquita, qu’une aventure à peu près pareille m’est arrivée aujourd’hui ?

PAQUITA.

Vraiment ?

TERESINA.

Oui, j’étais assise à la porte du parc qui donne sur la route de Santa-Cruz, lorsque je vis passer un beau cavalier ; ce devait être un grand seigneur, car il était suivi d’un écuyer et de plusieurs hommes d’armes ; il me salua en passant ; alors je me sentis tellement rougir, que je me cachai derrière mon éventail.

PAQUITA.

Bien !

TERESINA.

Sans doute, il crut que je le regardais, car à peine eut-il fait cent pas, qu’il jeta la bride aux mains de son écuyer, descendit de cheval, et vint vers moi à pied. Tu comprends que je ne l’attendis pas, et même je rentrai si vite

que…

PAQUITA.

Que ?…

TERESINA.

Mon Dieu ! Que je crois avoir oublié mon éventail sur le banc.

{{Personnage|PAQ