Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/599

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Me voilà, maître… J’étais en train d’escorter en enfer l’âme de doña Vittoria ; c’est de la besogne que m’avait donnée votre frère.

DON JOSÈS.

À mon tour, maintenant !

LE MAUVAIS ANGE.

Ordonnez.

DON JOSÈS.

Démon, il faut que je me venge !

LE MAUVAIS ANGE.

De Don Juan ?

DON JOSÈS.

Oui !

LE MAUVAIS ANGE.

Qui vous a insulté, n’est-ce pas ?

DON JOSÈS.

Oui !

LE MAUVAIS ANGE.

Qui vous a enlevé votre maîtresse ?

DON JOSÈS.

Oui !

LE MAUVAIS ANGE.

Et qui vous a fait battre de verges ?

DON JOSÈS.

Tais-toi !…

LE MAUVAIS ANGE.

Ah ! Ah ! Ah !…

DON JOSÈS.

M’as-tu entendu, maudit ?

LE MAUVAIS ANGE.

À quoi puis-je vous être bon ?

DON JOSÈS.

Ouvre-moi ces portes ; donne-moi une épée, un poignard, une arme quelconque, et mène-moi sur le chemin où il doit passer.

LE MAUVAIS ANGE.

Pour qu’il vous fasse arrêter de nouveau par ses hommes d’armes, et conduire au gibet ? Battu et pendu dans le même jour ? Allons donc !…

DON JOSÈS.

Mais tu ne peux donc m’aider en rien ?

LE MAUVAIS ANGE.

Si fait ; y aura-t-il du sang versé ?

DON JOSÈS.

Tout ce que le corps d’un homme en contient, jusqu’à la dernière goutte.

LE MAUVAIS ANGE.

Y aura-t-il une âme perdue ?

DON JOSÈS.

Deux, je l’espère.

LE MAUVAIS ANGE.

Allons, je vois que je puis me mêler de la chose.

DON JOSÈS.

Hâte-toi !

LE MAUVAIS ANGE.

Vous avez du courage ?

DON JOSÈS.

Je t’ai appelé.

LE MAUVAIS ANGE.

C’est bien.

DON JOSÈS.

Que faut-il faire ?

LE MAUVAIS ANGE.

Il faut d’abord que vous soyez reconnu par votre père pour son fils, afin que vous soyez reconnu par votre frère pour gentilhomme.

DON JOSÈS.

Mais mon père est mort.

LE MAUVAIS ANGE.

Il y a quelque part un acte écrit de sa main, n’est-ce pas ? Scellé de son sceau, n’est-ce pas ?

DON JOSÈS, ramassant le parchemin.

Le voilà… Oui, voilà l’écriture de mon père, le sceau de mon père, mais la signature manque.

LE MAUVAIS ANGE.

Eh bien, il faut que votre père le signe.

DON JOSÈS.

Mais je te dis que mon père est mort.

LE MAUVAIS ANGE.

Vous descendrez dans sa tombe.

DON JOSÈS.

Mon Dieu ! Mon Dieu !…

LE MAUVAIS ANGE.

Le corps meurt, mais l’âme survit ; or, l’âme, ce sont les passions, et chaque homme a eu une passion dont il a fait son âme : l’ambitieux, le trône ; l’avare, son trésor ; l’envieux, sa haine. En conjurant une âme au nom de la passion qui l’a animée, l’âme vous entend et remonte de l’enfer, ou redescend du ciel pour animer le corps ; or, l’âme du vieux comte, c’était son amour paternel pour toi ; conjure donc l’âme de ton père au nom de cet amour, et ton père sera forcé de te répondre.

DON JOSÈS.

Jamais, jamais je ne ferai un tel sacrilége !…

LE MAUVAIS ANGE.

Alors, il faut renoncer à te venger de ton frère.

DON JOSÈS, d’une voix sombre.

Je descendrai dans la tombe de mon père ; après ?

LE MAUVAIS ANGE.

Eh bien, après, ton père signera, mort, ce qu’il aurait dû signer vivant ; et alors, Monseigneur, vous serez le fils légitime du comte de M