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int Michel, et qui lui avait permis de se promener ainsi, au lieu de demeurer honnêtement sur la toile où le peintre l’avait cloué… À cette question, le démon répondit que, tous les cent ans, Dieu rappelait à lui saint Michel pour lui donner des instructions nouvelles, et que, pendant que son gardien montait au ciel, lui jouissait de quelques heures de liberté, et d’un pouvoir assez grand pour accorder quelquefois aux hommes ce qu’ils ne pouvaient obtenir ni de Dieu ni des saints…

Alors…

… on assure que Don Carlos lui demanda si ce pouvoir allait jusqu’à lui faire avoir un fils, et que le démon lui répondit que rien n’était plus facile… Si bien…


Scène II

. Les mêmes, Sandoval.

SANDOVAL.

Si bien que j’ai deux pères, n’est-ce pas, Pedrillo : l’un qui s’appelle Don Carlos d’Ojedo, et qui prie au ciel, et l’autre qui se nomme Monseigneur Satan, et qui rôtit en enfer ?… Merci de la généalogie !…

Voici ma place, messieurs… Je vais donner une sérénade à Doña-Inès, comtesse d’Almeida ; s’il y a quelqu’un à Madrid à qui cela déplaise, il me trouvera sous ses fenêtres.


Scène II

I. Don Fabrique, Don Henriquez, Don Pedro, puis Don Juan.

DON HENRIQUEZ.

Eh bien, Pedro, que dis-tu maintenant de cette histoire ?

DON PEDRO.

Je dis que tout à l’heure j’en doutais encore.

DON FABRIQUE.

Et que maintenant ?

DON PEDRO.

Je n’en doute plus.

DON HENRIQUEZ.

Eh bien, cette histoire n’est rien près de l’aventure qui vient d’arriver à Don Juan.

DON FABRIQUE.

Qu’est-ce que cette aventure ?

DON HENRIQUEZ.

D’abord, il faut que vous sachiez que le vin favori de Don Juan est le porto.

DON JUAN, entrant.

Vous vous trompez, señor : il préfère le valdepeñas.Nous savons parfaitement que le tabac n’a été apporté en Europe que depuis deux siècles, à peu près ; mais une tradition espagnole attribue à Don Juan la vaillantise qu’il raconte ici, et nous n’avons pas voulu lui faire tort d’un seul trait de son caractère.

DON HENRIQUEZ.

Soit !… Hier donc, Don Juan, après avoir vidé deux bouteilles de Valdepeñas…

DON JUAN.

Vous êtes dans l’erreur, mon maître : il en avait vidé quatre.

DON HENRIQUEZ.

Peu importe… Il se promenait sur la rive gauche du Mançanarès…

DON JUAN.

On vous a mal rapporté la chose, mon cavalier : c’était sur la rive droite.

DON HENRIQUEZ.

Si vous savez l’histoire mieux que je ne la sais, il faut la raconter.

DON JUAN.

Volontiers, mes gentilshommes… Or, Don Juan, se promenant sur la rive droite du Mançanarès, comme j’ai dit, était fort embarrassé pour allumer son cigare, lorsqu’il aperçut sur la rive gauche un homme qui fumait ; il lui ordonna aussitôt de passer le fleuve, et de lui apporter du feu… Mais le fumeur préféra allonger le bras, et l’allongea si bien, que le bras traversa le Mançanarès, et vint présenter son cigare à Don Juan1.

DON FABRIQUE.

Et que fit Don Juan ?

DON JUAN.

Don Juan y alluma le sien, et dit : « Merci. »

DON PEDRO, lui frappant l’épaule.

Seigneur cavalier !

DON JUAN.

Voulez-vous dire que ce n’est point ainsi que la chose s’est passée ?

DON PEDRO.

En aucune manière.

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