Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/617

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pour les uns et si terribles pour les autres ? À peine ai-je eu les yeux fermés, qu’il m’a semblé que les murs de ma cellule s’ouvraient ! Oh ! Le monde ! Le monde ! Pourquoi me poursuit-il quand je le fuis, mon père ? Le froissement du bal, les chants du festin, les rires de l’orgie, tout cela bruissait autour de moi ; j’avais beau fermer les yeux, boucher mes oreilles, je voyais, j’entendais. Je sautai à bas de mon lit ; je me précipitai dans le cimetière ; le ciel s’ouvrait, des éclairs sillonnaient la nuit comme l’épée flamboyante de l’Archange ; oh ! du moins, le bouleversement de mon être était en harmonie avec celui des éléments ; pâle, échevelé, ruisselant de sueur et d’eau, je me crus un instant le génie de la tempête, et je mêlai l’orage de mon cœur à celui de la nature ! Oh ! Tous les deux ont été terribles ; et autour de moi, au dedans de moi, tout n’est que ruine !…

DON SANCHEZ.

Ce sont les nuits d’orage qui font les jours tranquilles ; voyez, mon fils, comme le soleil est brillant, comme le jour qui a commencé si sombre va finir pur ! Il en est ainsi de la vie ; les orages du cœur ressemblent à ceux de la nature ; et les uns et les autres se calment au souffle de Dieu !

DON JUAN, s’asseyant.

Qu’il souffle donc sur mon front, s’il ne veut pas qu’il se brise à l’angle de quelque tombe.

DON SANCHEZ.

Je prierai le Seigneur de ramener le calme dans ton cœur, comme il l’a ramené dans la nature. Je prierai le Seigneur de poser le sceau de sa grâce sur ton front brûlant. En attendant, crois, espère et prie ; c’est avec ces trois mots qu’on ouvre les portes du ciel.


Scène II

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DON JUAN, seul.

Oui, oui, mon père, c’est la sagesse divine qui me parle par votre bouche ; et, tant que j’entends votre voix, je crois, j’espère, et je prie ; mais, dès que je suis seul, l’amour et l’orgueil, ces deux grands adversaires de l’âme, viennent me tenter. Mon Dieu, Seigneur, donnez-moi la force de leur résister.