Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/642

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TOM, sortant.

Merci, mon vieux !

SALOMON.

Et votre chapeau ?

TOM, revenant.

C’est juste… donne.

(Il sort.)
SALOMON.

Et d’un !… (Allant à un autre.) David… David !

DAVID, rugissant.

Hum !

SALOMON.

Bien rugi… Il rêve qu’il joue le lion… Bien rugi… bravo !… bravo !

DAVID.

Qui est-ce qui m’applaudit ?

SALOMON.

Sois tranquille, ce n’est pas le public.

DAVID.

Ah ! c’est vous, père Borée…

SALOMON.

Moi-même, enchanté de vous rencontrer.

DAVID.

Et pourquoi cela ?

SALOMON.

Chut !… Vous demeurez dans Regent-Street, n’est-ce pas ?

DAVID.

Numéro 20.

SALOMON.

C’est bien cela… Eh bien !… imaginez-vous que je voulais passer chez vous ce matin, pour vous dire que vous aviez été superbe hier.

DAVID.

Vraiment ?

SALOMON.

Parole d’honneur !… La peau de lion vous va à ravir… Lorsque je trouve au bout de la rue, auprès de la fontaine, un peloton d’Écossais… On ne passe pas, me dit le caporal. — À cause ? — À cause du feu. — Ça ne fait rien cela, je vais chez un ami, à l’autre bout de la rue, au n° 20… — Au n° 20 ? eh bien ! votre ami a autre chose à faire qu’à vous recevoir… sa maison brûle !… Bah !

DAVID.

Comment, le n° 20 brûle… et tu ne me dis pas cela tout de suite, imbécile ?

SALOMON.

Ah ! vous avez le temps… le feu a pris dans la cave, et vous demeurez au grenier.

DAVID.

Ah ! double traître !

(Il sort en courant.)
SALOMON.

Maintenant que nous voilà seuls… (Il accroche une chaise et aperçoit Bardolph.) Ah ! je me trompe… en voilà encore un, pardon !… Ah ! bien, lui, ça va être une corvée, par exemple… Quand il dort, ce n’est pas pour un peu… c’est comme lorsqu’il boit… (Il appelle.) Bardolph ! Ah ! oui… Bardolph ! Bardolph ! un verre de punch, mon ami.

BARDOLPH, s’éveillant à moitié.

Présent !

SALOMON.

Voilà une idée que j’ai eue ! Attends, attends, je vais te réveiller tout à fait.

(Il lui donne un verre d’eau.)
BARDOLPH.

À votre santé ! (Il boit.) Qu’est-ce que tu me donnes là, empoisonneur ? (Il fait la grimace.) Pouah !…

SALOMON.

De l’eau de la Tamise…

BARDOLPH.

De l’eau !… quelle atroce plaisanterie !… enfin, j’aurais pu la boire. Laisse-moi réveiller Kean.

SALOMON.

Déjà ! ah ! mon Dieu, vous avez bien le temps de vous battre…

BARDOLPH.

Comment ! de nous battre ?

SALOMON.

Eh oui ! vous deviez vous battre ce matin… vous savez bien ?

BARDOLPH.

Nous ?

SALOMON.

C’est vous qui avez tort… là, parole d’honneur ! Vous lui avez cherché une querelle d’Allemand.

BARDOLPH.

Moi !

SALOMON.

Oh ! je le répète, vous aviez tort… Mais du moment où vous avez offert de lui rendre raison… il n’y a rien à dire.

BARDOLPH.

Ah çà ! vraiment, Salomon ?.

SALOMON.

Vous l’avez oublié ? ce que c’est que le vin, mon Dieu !

BARDOLPH.

Et nous devons nous battre ?

SALOMON.

À l’épée.

BARDOLPH.

À l’épée avec lui !… donne-moi un verre d’eau.

SALOMON.

C’est ce que vos deux témoins, Tom et David, vous ont dit, mais vous n’avez rien voulu entendre… Vous avez le vin ferrailleur… démon ! Ils sont allés chercher les armes… le rendez-vous est à dix heures, à Hyde-Park.