Scène II.
Je ne m’étais donc pas trompé, c’était votre voix que j’avais entendue ; elle m’a guidé….
Ma voix ! ma voix ! elle vous disait de fuir !
Que j’étais insensé ! je ne pouvais croire à tant de bonheur.
Cette porte est encore ouverte ! fuyez, monsieur le comte, fuyez !
Ouverte ! oui… imprudent que je suis !
Monsieur le comte, écoutez-moi !
Oh ! oui, oui ! parle ! j’ai besoin de t’entendre, pour croire à ma félicité.
Fuyez, fuyez ! la mort est là !… des assassins !…
Que dis-tu ? quels sont ces mots de mort et d’assassins que tu prononces, avec une robe de fête, et le front couronné de fleurs ?
Des fleurs… ah ! qu’elles soient anéanties !
Que faites-vous ?
Écoutez-moi… écoutez-moi… Au nom du ciel ! sortez de ce délire insensé… il y va de la vie, vous dis-je ; ils vous ont attiré dans un piège infernal ; ils veulent vous assassiner.
M’assassiner ! cette lettre n’était donc pas de vous ?
Elle était de moi ; mais, la violence, la torture… Voyez ! — (Elle lui montre son bras.) Voyez…
Ah !
C’est moi qui ai écrit ce billet… mais c’est le duc qui l’a dicté.
Le duc ! et j’ai pu croire… Non, non, je ne l’ai pas cru un seul instant. Mon Dieu ! mon Dieu ! elle ne m’aime pas !
Maintenant que vous savez tout, fuyez, fuyez ! je vous l’ai dit, il y va de la vie.
Elle ne m’aime pas…
Oh ! mon Dieu ! mon Dieu !
C’est ma vie, dites-vous, qu’ils veulent ! Eh bien ! je vais la leur porter : mais sans rien conserver de vous ! tenez ! voilà ce bouquet, que mon existence a failli payer. D’un mot, vous m’avez détaché de la vie, comme ces fleurs de leurs tiges. Adieu ! adieu pour jamais. (Il veut rouvrir la porte.) Cette porte est refermée.
C’est lui ! il sait déjà que vous êtes ici.
Ah ! qu’il vienne ! qu’il vienne ! Henri… Henri ! n’auras-tu de courage que pour meurtrir le bras d’une femme… Ah ! viens, viens !
Ne l’appelez pas ! ne l’appelez pas ! il doit venir !
Que vous importe ? je vous suis indifférent. Ah ! la pitié ! oui…
Mais si vous m’aidiez, peut-être pourriez-vous fuir.
Moi, fuir ! et pourquoi ? ma mort et ma vie ne sont-elles pas des événements également étrangers dans votre existence… Fuir ! et fuirais-je aussi votre indifférence, votre haine, peut-être ?
Mon indifférence ! ma haine ! ah ! plût au ciel !
Plût au ciel ! dis-tu ? Un mot, un mot encore, et je t’obéirai aveuglément… Dis ; ma mort doit-elle être pour toi plus affreuse que l’assassinat d’un homme ?
Grand Dieu ! il le demande… Oh ! oui… oui.
Tu ne me trompes pas ! ah ! je te rends grâce ! Tu parlais de fuir ! de moyens ! quels sont-ils ?… Fuir ! moi, fuir devant le duc de Guise !… Jamais !…
Ce n’est pas devant le duc de Guise que vous fuiriez ; c’est devant des assassins. Retenu dans une autre partie de l’hôtel par cette réunion de ligueurs, il a voulu s’assurer qu’une fois ici vous ne sauriez lui échapper. Si nous pouvions seulement fermer cette porte, nous aurions encore quelques instants ;