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ANTONY.

C’est tout ?

L’HÔTESSE.

Oui, tout.

ANTONY, à lui-même.

Alors, c’est bien elle que j’ai rejointe et dépassée à deux lieues de ce village, en sortant de Vasselonne… Dans une demi-heure ou trois quarts d’heure elle sera ici ; c’est bon.

L’HÔTESSE.

Monsieur repart-il ?

ANTONY.

Non, je reste. Combien y a-t-il maintenant de chevaux de poste dans votre écurie ?

L’HÔTESSE.

Quatre.

ANTONY.

Et quand vous en manquez, est-il possible de s’en procurer dans ce village ?

L’HÔTESSE.

Non, monsieur.

ANTONY.

J’ai aperçu sous la remise, en entrant, une vieille berline est-elle à vous ?

L’HÔTESSE.

Un voyageur nous a chargé de la vendre.

ANTONY.

Combien ?

L’HÔTESSE.

Mais…

ANTONY.

Faites vite, je n’ai pas le temps.

L’HÔTESSE.

Vingt Louis.

ANTONY.

Les voilà ; rien n’y manque ?

L’HÔTESSE.

Non.

ANTONY.

Combien de chambres vacantes dans votre auberge ?

L’HÔTESSE.

Deux au premier étage.

ANTONY.

Celle-ci ?

L’HÔTESSE, ouvrant la porte de communication.

Et celle-là.

ANTONY.

Je les retiens.

L’HÔTESSE.

Toutes deux ?

ANTONY.

Oui. Si cependant un voyageur était obligé de rester ici cette nuit, vous me le diriez, et peut-être en céderais-je une.

L’HÔTESSE.

Monsieur a-t-il autre chose à commander ?

ANTONY.

Qu’on mette à l’instant même, vous entendez, à l’instant, les quatre chevaux à la berline que je viens d’acheter, et que le postillon soit prêt dans cinq minutes.

L’HÔTESSE.

C’est tout ?

ANTONY.

Oui, pour le moment ; d’ailleurs j’ai mon domestique, et si j’avais besoin de quelque chose, je vous ferais appeler.

(L’hôtesse sort.)



Scène II.

 

LOUIS, ANTONY
ANTONY.

Louis !

LOUIS.

Monsieur ?

ANTONY.

Tu me sers depuis dix ans ?

LOUIS.

Oui, monsieur.

ANTONY.

As-tu jamais eu à te plaindre de moi ?

LOUIS.

Jamais.

ANTONY.

Crois-tu que tu trouverais un meilleur maître ?

LOUIS.

Non, monsieur.

ANTONY.

Alors tu m’es dévoué, n’est-ce pas ?

LOUIS.

Autant qu’on peut l’être.

ANTONY.

Tu vas monter dans la berline qu’on attelle, et tu partiras pour Strasbourg.

LOUIS.

Seul ?

ANTONY.

Seul… Tu connais le colonel d’Hervey ?

LOUIS.

Oui.

ANTONY.

Tu prendras un habit bourgeois… tu te logeras en face de lui… tu te lieras avec ses domestiques…