Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Le citoyen Billot, dit-il, ayant caractère de parlementaire, je remets sa vie à votre honneur,

Flesselles regarda Marat en homme qui avait meilleure envie d’écraser cette plate figure d’un coup de poing, que de faire ce qu’elle demandait.

— Hésiteriez-vous, Monsieur ? demanda Marat. — Non, fit Flesselles, car au bout du compte vous ne demander ; qu’une chose juste. Et il écrivit le post-scriptum demandé.

— Cependant, Messieurs, dit-il, notez bien ceci : c’est que je ne réponds pas de la sûreté de monsieur Billot. — Et moi, j’en réponds, dit Marat, lui tirant le papier des mains ; car votre liberté est là pour garantir sa liberté, votre tête pour garantir sa tête. Tenez, brave Billot, dit Marat, voici votre laissez-passer. — Labrie ! cria monsieur de Flesselles, Labrie !

Un laquais en grande livrée entra.

— Mon carrosse ! dit-il. — Il attend monsieur le prévôt dans la cour. — Descendons, dit le prévôt. Vous ne désirez rien autre chose, Messieurs ? — Non, répondirent à la fois Billot et Marat. — Faut-il laisser passer ? demanda Pitou. — Mon ami, dit Flesselles, je vous ferai observer que vous êtes un peu trop indécemment vêtu pour monter la garde à la porte de ma chambre. Si vous tenez à y rester, mettez au moins votre giberne par devant, et appuyez-vous le derrière à la muraille. — Faut-il laisser passer ? répéta Pitou, en regardant monsieur de Flesselles d’un air qui indiquait qu’il goûtait médiocrement la plaisanterie dont il venait d’être l’objet. — Oui, dit Billot.

Pitou se rangea.

— Peut-être avez-vous tort de laisser aller cet homme, dit Marat ; c’était un excellent otage à conserver ; mais en tout cas, quelque part qu’il soit, soyez tranquille, je le retrouverai. — Labrie, dit le prévôt des marchands en montant dans son carrosse, on va distribuer de la poudre ici. Si l’hôtel de ville sautait, par hasard, je ne veux point d’éclaboussures ; hors de portée, Labrie, hors de portée.

La voiture roula sous la voûte et apparut sur la place, où grondaient quatre ou cinq mille personnes.

Flesselles craignait qu’on interprétât mal son départ, qui pouvait tout aussi bien être une fuite.

Il sortit à mi-corps par la portière.

— À l’Assemblée nationale ! cria-t-il au cocher. Ce qui lui valut de le part de la foule une salve colossale d’applaudissements.

Marat et Billot étaient sur le balcon et avaient entendu les derniers mots de Flesselles.

— Ma tête contre la sienne, dit Marat, qu’il ne va pas à l’Assemblée