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Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/181

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de lui, qui, pareil à un Sanisou, avait manqué d’ébranler la Bastille.

— Billot ! Billot ! murmurait-il. — Oui ! oui ! — Et moi aussi, moi, Pitou, monsieur le docteur ; vous vous rappelez bien le pauvre Pitou, que vous aviez mis en pension chez tante Angélique, Pitou qui vient vous délivrer. — Mais je puis passer par ce trou ! — cria le docteur. — Non. non ! répondirent toutes les voix ; attendez !

Chacun des assistants réunissant ses forces dans un commun effort, les uns glissant une pince entre la muraille et la porte, les autres faisant jouer un levier à l’endroit de la serrure, les autres enfui poussant avec leurs épaules raidies et leurs mains crispées, le chêne fit entendre un dernier craquement, la muraille s’écailla, et tous ensemble, par la porte brisée, par la muraille écornée, se ruèrent comme un torrent dans l’intérieur de la prison.

Gilbert se trouva entre les bras de Pitou et de Billot. Gilbert, le petit paysan du château de Taverney, Gilbert, que nous avons laissé baigné dans son sang dans une grotte des Açores, était alors un homme de trente-quatre à trente-cinq ans, au teint pâle sans être maladif, aux cheveux noirs, aux yeux fixes et volontaires ; jamais son regard ne se perdait dans le vague, n’errait dans l’espace ; quand il ne se fixait pas sur quelque objet extérieur digne de l’arrêter, il se fixait sur sa propre pensée, et n’en devenait que plus sombre et plus profond ; son nez était droit ; s’attachant à son front par une ligne directe, il surmontait une lèvre dédaigneuse qui, comme altérée par lui, laissait apercevoir l’émail éblouissant de ses dents. Dans les temps ordinaires sa mise était simple et sévère comme celle d’un quaker ; mais cette sévérité touchait à l’élégance par l’extrême propreté. Sa taille, un peu au-dessus de la moyenne, était bien prise ; quant à sa force toute nerveuse, nous avons vu tout à l’heure jusqu’où elle pouvait aller dans un premier mouvement de surexcitation, que ce mouvement eût pour cause la colère ou l’enthousiasme.

Quoiqu’on prison depuis cinq ou six jours, le prisonnier avait pris les mêmes soins de lui : sa barbe, longue de plusieurs lignes, faisait d’autant mieux ressortir le mat de son teint, et indiquait seule une négligence qui ne venait pas du prisonnier, mais du refus qu’on lui avait fait de lui donner un rasoir ou de lui faire la barbe.

Quand il eut serré dans ses bras Billot et Pitou, il se retourna vers la foule qui encombrait son cachot. Puis, comme si un instant avait suffi pour lui rendre toute sa puissance sur lui-même :

— Le jour que j’avais prévu est donc arrivé ! dit-il. Merci à vous, mes amis, merci au génie éternel qui veille sur la liberté des peuples ! Et il tendit ses deux mains à la foule qui, reconnaissant à la hauteur