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Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/217

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ANGE PITOU.

— Et maintenant, ajouta-t-il, je suis à Bruxelles, n’est-ce pas ? — Oui, certes, et plus que jamais. Demain matin, au reste, vous aurez de mes nouvelles.

Le baron frappa d’une certaine façon le long du panneau, madame de Staël reparut ; seulement cette fois, outre sa branche de grenadier, elle tenait la brochure du docteur Gilbert à la main.

Elle lui en montra le titre avec une sorte de coquetterie flatteuse.

Gilbert prit congé de monsieur de Necker, et baisa la main de la baronne, qui le conduisit jusqu’à la sortie du cabinet.

Et il revint au fiacre où Pitou et Billot dormaient sur la banquette de devant, où le cocher dormait sur son siège, et où les chevaux dormaient sur leurs jambes fléchissantes.


XXII

LE ROI LOUIS XVI


L’entrevue entre Gilbert, madame de Staël et monsieur de Necker avait duré une heure et demie à peu près. Gilbert rentra à Paris à neuf heures un quart, se fit conduire directement à la poste, prit des chevaux et une voiture, et tandis que Billot et Pitou allaient se reposer de leurs fatigues dans un petit hôtel de la rue Thiroux, où Billot avait l’habitude de descendre quand il venait à Paris, Gilbert prit au galop la route de Versailles.

Il était tard, mais peu importait à Gilbert. Chez les hommes de sa trempe, l’activité est un besoin. Peut-être son voyage serait-il une course inutile ; mais il aimait mieux une course inutile que de rester stationnaire : chez les organisations nerveuses, l’incertitude est un pire supplice que la plus effroyable réalité.

Il arriva à Versailles à dix heures et demie. En temps ordinaire tout le monde eût été couché et endormi du plus profond sommeil ; mais ce soir-là nul ne dormait à Versailles : on venait d’y recevoir le contre-coup de la secousse dont tremblait encore Paris.

Les gardes françaises, les gardes du corps, les suisses, pelotonnés, groupés à toutes les issues des rues principales, s’entretenaient entre eux ou avec les citoyens dont le royalisme les engageait à prendre confiance.