Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/271

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Ce regard était plein d’affectueuse inquiétude.

Il n’échappa point à la reine.

— Comtesse, dit-elle, ne rentrez-vous point chez le roi avec moi ? — Non, Madame, non, dit vivement Andrée. — Pourquoi cela ? — Je demande la permission à Votre Majesté de me retirer chez moi : les émotions que j’ai éprouvées me font ressentir le besoin de repos. — Voyons, comtesse, soyez franche, avez-vous eu quelque chose avec Sa Majesté ? — Oh ! rien, Madame, absolument rien. — Oh ! dites-le, si cela est. Le roi ne ménage pas toujours mes amis. — Le roi est, comme d’habitude, plein de bontés pour moi, mais… — Mais vous aimez autant ne pas le voir, n’est-ce pas ? Décidément il y a quelque chose là-dessous, comte, dit la reine avec un feint enjouement.

En ce moment Andrée envoya à la reine un regard si expressif, si suppliant, si plein de révélations, que celle-ci comprit qu’il était temps de terminer cette petite guerre.

— En effet, comtesse, dit-elle, laissons monsieur de Charny faire la commission dont je l’ai chargé, et retirez-vous chez vous ou restez ici, à votre volonté. — Merci, Madame, dit Andrée. — Allez donc, monsieur de Charny, poursuivit Marie-Antoinette, tout en remarquant l’expression de reconnaissance qui se répandait sur la figure d’Andrée.

Cette expression, le comte ne l’aperçut point ou ne voulut point l’apercevoir ; il prit la main de sa femme et la complimenta sur le retour de ses forces et de ses couleurs.

Puis, s’inclinant avec un profond respect devant la reine, il sortit.

Mais tout en sortant il croisa un dernier regard avec Marie-Antoinette.

Le regard de la reine disait :

— Revenez vite.

Celui du comte répondait :

— Aussi vite que je pourrai.

Quant à Andrée, elle suivait, la poitrine oppressée, haletante, chacun des mouvements de son mari.

Elle semblait accélérer de ses vœux la marche lente et noble qui le rapprochait de la porte ; elle le poussait dehors avec toute la puissance de sa volonté.

Aussi, dès qu’il eut fermé cette porte, dès qu’il eut disparu, toutes les forces qu’avait appelées Andrée à son aide pour faire face à la situation disparurent ; son visage pâlit, ses jambes manquèrent sous elle, et elle tomba sur un fauteuil qui se trouvait à sa portée, tout en essayant de faire ses excuses à la reine pour ce manque d’étiquette.

La reine courut à la cheminée, prit un flacon de sels, et le fit respirer à Andrée, qui revint bien plus tôt cette fois encore à elle par la puis-