Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/318

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Ce regard et ce sourire, le roi n’en comprit pas la tristesse. Il se préoccupait déjà d’une chose, à savoir, de la résistance probable qu’allait faire Marie-Antoinette au projet arrêté la veille.

— Encore quelque nouveau caprice, pensait-il.

Voilà pourquoi il fronçait le sourcil.

La reine ne manqua point de fortifier en lui, par les premiers mots qu’elle fit entendre, cette opinion.

— Sire, dit-elle, depuis hier, j’ai bien réfléchi. — Allons, nous y voilà, s’écria le roi. — Renvoyez, je vous prie, tout ce qui n’est pas de l’intimité.

Le roi, maugréant, donna ordre à ses officiers de s’éloigner.

Une seule des femmes de la reine demeura près de Leurs Majestés : c’était madame Campan.

Alors la reine, appuyant ses deux belles mains sur le bras du roi :

— Pourquoi êtes-vous déjà tout habillé ? dit-elle ; c’est mal ! — Comment, mal ! Pourquoi ? — Ne vous avais-je pas fait demander de ne vous point habiller avant de passer ici ? Je vous vois la veste et l’épée. J’espérais que vous seriez venu en robe de chambre.

Le roi la regarda tout surpris.

Cette fantaisie de la reine éveillait en lui une foule d’idées étranges, dont la nouveauté même rendait l’invraisemblance encore plus forte.

Son premier mouvement fut la défiance et l’inquiétude.

— Qu’avez-vous ? dit-il à la reine. Prétendez-vous retarder ou empêcher ce dont nous sommes convenus hier ensemble ? — Nullement, sire. — Je vous en prie, n’est-ce pas, plus de raillerie sur un sujet de cette gravité. Je dois, je veux aller à Paris ; je ne puis plus m’en dispenser : ma maison est commandée ; les personnes qui m’accompagneront sont dès hier soir désignées. — Sire, je ne prétends rien, mais… — Songez, dit le roi en s’animant par degrés pour se donner du courage, songez que déjà la nouvelle de mon voyage à Paris a dû parvenir aux Parisiens, qu’ils se sont préparés, qu’ils m’attendent ; que les sentiments très-favorables que, selon la prédiction, ce voyage a jetés dans les esprits, peuvent se changer en une hostilité désastreuse. Songez enfin… — Mais, sire, je ne vous conteste pas ce que vous me faites l’honneur de me dire ; je me suis hier résignée, résignée je suis aujourd’hui. — Alors, Madame, pourquoi ces préambules ? — Je n’en fais pas. — Pardon : pourquoi ces questions sur mon habillement, sur mes projets ? — Sur l’habillement, à la bonne heure, reprit la reine, en essayant encore de ce sourire qui, à force de s’évanouir, devenait de plus en plus funèbre. — Que voulez-vous de mon habillement ? — Je voudrais, sire, que vous quittassiez votre habit. — Ne vous paraît-il pas séant ? C’est un habit de