Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/329

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— Messieurs ! Messieurs ! disait-elle.

Et cette éloquente exclamation leur recommandait le roi qui venait de descendre.

Tous mirent la main à leur cœur et à leur épée.

La reine sourit pour remercier.

Gilbert demeurait parmi les derniers.

— Monsieur, lui dit la reine, c’est vous qui avez conseillé ce départ du roi ; c’est vous qui avez décidé le roi, malgré mes supplications ; songez, Monsieur, que vous avez pris une effrayante responsabilité devant l’épouse et devant la mère ! — Je le sais, Madame, répondit froidement Gilbert. — Et vous me ramènerez le roi sain et sauf, Monsieur ? dit la reine avec un geste solennel. — Oui, Madame. — Songez que vous me répondez de lui sur votre tête !

Gilbert s’inclina.

— Songez-y, sur votre tête ! répéta Marie-Antoinette avec la menace et l’impitoyable autorité d’une reine absolue. — Sur ma tête, dit le docteur en s’inclinant, oui, Madame, et ce gage, je le regarderais comme un otage de peu de valeur si je croyais le roi menacé ; mais, je l’ai dit, Madame, c’est au triomphe que je conduis aujourd’hui Sa Majesté. — Je veux des nouvelles toutes les heures, ajouta la reine. — Vous en aurez, Madame, je vous jure. — Partez maintenant, Monsieur, j’entends les tambours ; le roi va se mettre en route.

Gilbert s’inclina, et disparaissant par le grand escalier, se trouva en face d’un aide de camp de la maison du roi qui le cherchait de la part de Sa Majesté.

On le fit monter dans un carrosse qui appartenait à monsieur de Beauvau, le grand maître des cérémonies, n’ayant pas voulu qu’il se plaçât, n’ayant pas fait ses preuves, dans un des carrosses du roi.

Gilbert sourit en se voyant seul dans ce carrosse armorié, monsieur de Beauvau étant à cheval et caracolant près de la portière royale.

Puis il lui vint à l’idée qu’il était ridicule à lui d’occuper ainsi une voiture ayant couronne et blason.

Ce scrupule lui durait encore, quand au milieu de la foule des gardes nationaux qui serrait les carrosses, il entendit ces mots chuchotés par des gens qui se penchaient curieusement pour le regarder :

— Ah ! celui-là, c’est le prince de Beauvau ! — Eh ! dit un camarade, tu te trompes. — Mais si, puisque le carrosse est aux armes du prince. — Aux armes… aux armes… Je te dis que cela n’y fait rien. Pardieu ! les armes, qu’est-ce que cela prouve. — Cela prouve que si les armes de monsieur de Beauvau sont sur la voiture, c’est monsieur de Beauvau qui doit être dedans. — Monsieur de Beauvau, est-ce