Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/420

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de si belliqueux conseils à la reine à la nouvelle de la prise de la Bastille.

En effet, vers neuf heures du matin, ce jeune officier traversait la galerie pour annoncer au veneur que le roi allait chasser, quand Marie-Antoinette, qui venait d’entendre la messe à la chapelle, l’aperçut et l’appela.

— Où courez-vous ainsi, Monsieur ? dit-elle. — Je ne courais plus dès que j’avais aperçu Votre Majesté, répondit Georges ; je m’étais arrêté, au contraire, et j’attendais humblement l’honneur qu’elle me fait en m’adressant la parole. — Cela ne vous empêche pas, Monsieur, de me répondre et de me dire où vous alliez ? — Madame, répondit Georges, je suis d’escorte ; Sa Majesté chasse, et je vais prendre les ordres du veneur pour les rendez-vous. — Ah ! le roi chasse encore aujourd’hui ? dit la reine en regardant les nuages qui roulaient gros et noirs venant de Paris ; il a tort. On dirait que le temps menace, n’est-ce pas, Andrée ? — Oui, Madame, répondit distraitement la jeune femme. — N’êtes-vous pas de cet avis, Monsieur ? — Si fait, Madame ; mais le roi le veut. — Que la volonté du roi soit faite, dans les bois et sur les routes, répondit la reine avec cette gaieté qui lui était naturelle, et que ni les chagrins du cœur, ni les événements politiques combinés ensemble ne parvenaient à lui faire perdre.

Puis, se retournant vers Andrée :

— C’est bien le moins qu’il ait cela, dit-elle en baissant la voix.

Et tout haut à Georges :

— Pouvez-vous, Monsieur, me dire où chasse le roi ? ajouta-t-elle. — Dans les bois de Meudon, Madame. — Allons, accompagnez-le donc, et veillez sur lui.

En ce moment le comte de Charny était entré. Il sourit doucement à Andrée, et, secouant la tête, il se hasarda à dire à la reine :

— C’est une recommandation dont mon frère se souviendra, Madame, non pas au milieu des plaisirs du roi, mais au milieu de ses dangers.

Au son de cette voix qui venait de frapper son oreille, sans que sa vue l’eût avertie de la présence de Charny, Marie-Antoinette tressaillit, et, se retournant :

— J’eusse été bien étonnée, dit-elle avec une rudesse dédaigneuse, si le propos ne fût pas venu de monsieur le comte Olivier de Charny. — Pourquoi cela, madame ? demanda respectueusement le comte. — Parce que c’est une prophétie de malheur, Monsieur.

Andrée pâlit en voyant pâlir le comte.

Il s’inclina sans répondre.

Puis, sur un regard de sa femme, qui semblait s’étonner de le trouver si patient :