Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/45

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Le fameux bahut que sa tante Angélique avait décoré du nom de pupitre était devenu, grâce à son ampleur et aux nombreux compartiments dont Pitou avait orné son intérieur, une espèce d’arche de Noé contenant une paire de toutes sortes de bêtes grimpantes, rampantes ou volantes. Il y avait des lézards, des couleuvres, des formica-léo, des scarabées et des grenouilles, lesquelles bêtes devenaient d’autant plus chères à Pitou qu’il subissait à cause d’elles des punitions plus ou moins sévères.

C’était dans ses promenades de la semaine que Pitou récoltait pour sa ménagerie. Il avait désiré des salamandres, qui sont fort populaires à Villers-Cotterets, étant les armes de François Ier, et François Ier les ayant fait sculpter sur toutes les cheminées, il était parvenu à s’en procurer ; seulement une chose l’avait fortement préoccupé, et il avait fini par mettre cette chose au nombre de celles qui dépassaient son intelligence, c’est qu’il avait constamment trouvé dans l’eau ces reptiles que les poëtes prétendent vivre dans le feu. Cette circonstance avait donné à Pitou, qui était un esprit exact, un profond mépris pour les poëtes.

Pitou, propriétaire de deux salamandres, s’était mis à la recherche du caméléon ; mais, cette fois, toutes les recherches de Pitou avaient été vaines, et aucun résultat n’avait couronné ses peines. Pitou finit par conclure de ces tentatives infructueuses que le caméléon n’existait pas, ou du moins qu’il existait sous une autre latitude.

Ce point arrêté, Pitou ne s’entêta pas à la recherche du caméléon.

Les deux autres tiers des retenues de Pitou étaient causés par ces damnés solécismes et par ces barbarismes maudits, qui poussaient dans les thèmes de Pitou comme l’ivraie dans les champs de blé.

Quant aux jeudis et aux dimanches et jours de congé, ils avaient continué d’être employés à la marette et au braconnage ; seulement, comme Pitou grandissait toujours, qu’il avait cinq pieds quatre pouces et seize ans d’âge, il survint une circonstance qui détourna quelque peu Pitou de ses occupations favorites.

Sur le chemin de la Bruyère-aux-Loups est situé le village de Pisseleux, le même peut-être qui a donné son nom à la belle Anne d’Heilly, maîtresse de François Ier.

Dans le village s’élevait la ferme du père Billot, et sur le seuil de cette ferme se tenait par hasard, presque toutes les fois que Pitou passait et repassait, une jolie fille de dix-sept à dix-huit ans, fraîche, égrillarde, joviale, qu’on appelait, de son nom de baptême, Catherine, mais plus souvent encore du nom de son père, la Billote.

Pitou commença par saluer la Billote, puis peu à peu il s’enhardit et la salua en souriant ; puis enfin, un beau jour, après avoir salué, après