Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/469

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sabre de dragon, et tâcha de se donner une brave tournure, telle qu’il convient à un amoureux et à un militaire.

Personne ne le reconnut d’abord, preuve qu’il réussit assez bien. Un valet faisait boire les chevaux à la mare ; il entendit du bruit, se tourna, et, à travers la tête ébouriffée d’un saule, il aperçut Pitou, ou plutôt un casque et un sabre.

Le valet demeura frappé de stupeur.

Pitou, en passant près de lui, appela.

— Eh ! Barnaut ! bonjour, Barnaut ! dit-il. Le valet, saisi de voir que ce casque et ce sabre savaient son nom, ôta son petit chapeau et lâcha la longe de ses chevaux. Pitou passa en souriant.

Mais le valet ne fut pas rassuré ; le sourire bienveillant de Pitou était resté enseveli sous son casque.

En même temps la mère Billot, par la vitre de sa salle à manger, aperçut ce militaire.

Elle se leva.

On était alors en alerte dans les campagnes. Il se répandait des bruits effrayants ; on parlait de brigands qui abattaient les forêts et coupaient les récoltes vertes encore.

Que signifiait l’arrivée de ce soldat ? était-ce attaque, était-ce secours ? La mère Billot avait embrassé d’un coup d’œil Pitou dans tout son ensemble, elle se demandait pourquoi des chausses si villageoises avec un casque si brillant, et, faut-il le dire, elle penchait, dans ses suppositions, autant du côté du soupçon que du côté de l’espoir. Le soldat, quel qu’il fût, entra dans la cuisine. La mère Billot fit deux pas vers le nouveau venu. Pitou, de son côté, pour ne pas être en arrière de politesse, ôta son casque.

— Ange Pitou ! fit-elle, Ange ici ! — Bonjour madame Billot, répondit Pitou. — Ange ! Oh ! mon Dieu ! Mais qui donc aurait deviné ; tu t’es donc engngé ? — Oh ! engagé ! fit Pitou. Et il sourit avec supériorité.

Puis il regarda autour de lui, cherchant ce qu’il ne voyait pas. La mère Billot sourit ; elle devina le but des regards de Pitou. Puis avec simplicité :

— Tu cherches Catherine ? dit-elle. — Pour lui rendre mes devoirs, répliqua Pitou, oui, madame Billot. — Elle fait sécher le linge. Voyons, assieds-toi, regarde-moi, parle-moi. — Je veux bien, dit Pitou. Bonjour, bonjour, bonjour, madame Billot.

Et Pitou prit une chaise.

Autour de lui se groupèrent, aux portes et sur les degrés des escaliers,