Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les servantes et l les métayers, attirés par le récit du valet d’écurie. Et à chaque nouvelle arrivée on entendait chuchoter :

— C’est Pitou ? — Oui, c’est lui. — Bah !

Pitou promena son regard hienveillant sur tous ses anciens camarades. Son sourire fut une caresse pour la plupart.

— Et tu viens de Paris, Ange ? continua la maîtresse de la maison. — Tout droit, madame Billot. — Comment va votre maître ? — Très-bien, madame Billot. — Comment va Paris ? — Très-mal, madame Billot. — Ah ! Et le cercle des auditeurs se rétrécit.

— Le roi ? demanda la fermière.

Pitou secoua la tête et fit entendre un clappement de langue fort humiliant pour la monarchie.

— La reine ?

Pitou cette fois ne répondit absolument rien.

— Oh ! fit madame Billot. — Oh ! répéta le reste de l’assemblée. — Voyons, continue Pitou, dit la fermière. — Dam ! interrogez-moi, répondit Pitou, qui tenait à ne pas dire en l’absence de Catherine tout ce qu’il rapportait d’intéressant. — Pourquoi as-tu un casque ? demanda madame Billot. — C’est un trophée, dit Pitou. — Qu’est-ce qu’un trophée, mon ami ? demanda la bonne femme. — Ah ! c’est vrai, madame Billot, fit Pitou avec un sourire protecteur, vous ne pouvez pas savoir ce que c’est qu’un trophée, vous. Un trophée, c’est quand on a vaincu un ennemi, madame Billot. — Tu as donc vaincu un ennemi, Pitou ? — Un ! dit dédaigneusement Pitou. Ah ! ma bonne madame Billot, vous ne savez donc pas que nous avons pris la Bastille à nous deux, monsieur Billot et moi.

Ce mot magique électrisa l’auditoire. Pitou sentit les souffles des assistants sur sa chevelure et leurs mains sur le dossier de sa chaise.

— Raconte, raconte un peu ce que notre homme a fait, dit madame Billot toute fière et toute tremblante à la fois.

Pitou regarda encore si Catherine arrivait ; elle n’arrivait pas.

Il lui parut offensant que, pour des nouvelles fraîches apportées par un courrier pareil, mademoiselle Billot ne quittât point son linge. Pitou secoua la tête ; il commençait à être mécontent.

— C’est que c’est bien long à raconter, dit-il. — Et tu as faim ? demanda madame Billot. — Peut-être bien. — Soif ? — Je ne dis pas non. Aussitôt, valets et servantes de s’empresser ; de sorte que Pitou rencontra sous ses mains gobelet, pain, viande et fruits de toutes sortes, avant d’avoir réfléchi à la portée de sa demande.

Pitou avait les foies chauds, comme on dit à la campagne, c’est-à, dire qu’il digérait vite ; mais, si vite qu’il digérât, il n’en pouvait encore