Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/482

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En un instant, il fut à la lisière, et, une fois à la lisière, il sauta le fossé de la forêt, et s’élança sous bois, moins gracieux, mais aussi rapide qu’un chevreuil effarouché.

Il courut un quart d’heure ainsi, et, au bout d’un quart d’heure, il aperçut l’éclaircie que faisait la route.

Là, il s’arrêta, s’appuyant à un énorme chêne qui le cachait entièrement derrière son tronc rugueux. Il était bien sûr d’avoir devancé Catherine.

Et cependant il attendit dix minutes, un quart d’heure même, et ne vit personne.

Avait-elle oublié quelque chose à la ferme et y était-elle retournée ? C’était possible.

Avec les plus grandes précautions, Pitou se rapprocha de la route, allongea sa tête derrière un gros hêtre qui poussait dans le fossé même, appartenant moitié à la route, moitié à la forêt, étendit son regard jusqu’à la plaine que la rigidité de la ligne lui permettait d’apercevoir, et ne vit rien.

Catherine avait oublié quelque chose, et était revenue à la ferme.

Pitou reprit sa course. Ou elle n’était pas encore arrivée et il la verrait rentrer, ou elle y était arrivée et il l’en verrait sortir.

Pitou ouvrit le compas de ses longues jambes, et se mit à arpenter l’espace qui le séparait de la plaine.

Il courait sur le revers sablonneux de la route, plus doux à ses pas, quand tout à coup il s’arrêta.

Le cheval de Catherine marchait l’amble.

Le cheval, marchant l’amble, avait quitté la grande route, et avait quitté le revers du chemin pour suivre une petite sente à l’entrée de laquelle on lisait sur un poteau :

Sente conduisant de la route de La Ferté-Milon à Boursonne.

Pitou leva les yeux, et à l’extrémité opposée de la sente, il aperçut, noyés à une grande distance dans l’horizon bleuâtre de la forêt, le cheval blanc et le casaquin rouge de Catherine.

C’était à une grande distance, nous l’avons dit, mais on sait qu’il n’y avait pas de distance pour Pitou.

— Ah ! s’écria Pitou en s’élançant de nouveau dans la forêt, ce n’est donc pas à La Ferté-Milon qu’elle va, c’est donc à Boursonne !

Et cependant je ne me trompe pas. Elle a dit La Ferté-Milon plus de dix fois ; on lui a donné des commissions pour La Ferté-Milon. La mère Billot elle-même a parlé de La Ferté-Milon.

Et tout en disant ces paroles, Pitou courait toujours : Pitou courait de plus en plus ; Pitou courait comme un dératé.