Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/487

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frère qui m’est arrivée ce matin, et à laquelle, j’ai dû répondre courrier par courrier. Mais ne craignez rien, demain je serai plus exact. Catherine sourit, et Isidore serra encore un peu plus tendrement la main qu’on lui abandonnait.

Hélas ! c’étaient autant d’épines qui faisaient saigner le cœur du pauvre Pitou.

— Vous avez donc des nouvelles fraîches de Paris ? demanda-t-elle. — Oui. — Eh bien ! moi aussi, dit-elle en souriant. Ne m’avez-vous pas dit l’autre jour, qie lorsque quelque chose de pareil arrivait à deux personnes qui s’aimaient, cela s’appelait de la sympathie ? — Justement. Et comment avez-vous reçu des nouvelles, vous, ma belle Catherine ? — Par Pitou. — Qu’est-ce que cela, Pitou ? demanda le jeune noble avec un air libre et enjoué, qui changea en cramoisi le rouge déjà étendu sur les joues de Pitou. — Mais vous savez bien, dit-elle : Pitou, c’est ce pauvre garçon que mon père avait pris à la ferme, et qui me donnait le bras un dimanche. — Ah ! oui, dit le gentilhomme ; celui qui a des genoux comme des nœuds de serviette ?

Catherine se mit à rire. Pitou se sentit humilié, désespéré. Il regarda ses genoux, pareils à des nœuds en effet, en s’appuyant sur ses deux mains et en se soulevant, puis il retomba à plat ventre avec un soupir.

— Voyons, dit Catherine, ne me déchirez pas trop mon pauvre Pitou. Savez-vous ce qu’il me proposait tout à l’heure ? — Non ; contez-moi un peu cela, ma toute belle. — Eh bien ! il voulait m’accompagner à La Ferté-Milon. — Où vous n’allez pas ? — Non, puisque je savais que vous m’attendiez ici ; tandis que c’est moi qui vous ai presque attendu. — Ah ! mais savez-vous que vous venez de dire un mot royal, Catherine ? — Vraiment ! je ne m’en doutais pas. — Pourquoi n’avez-vous pas accepté l’offre de ce beau chevalier, il nous eût diverti. — Pas toujours, peut-être, répondit en riant Catherine. — Vous avez raison, Catherine, dit Isidore en attachant sur la belle fermière des yeux brillants d’amour. Et il cacha la tête rougissante de la jeune fille dans ses bras qu’il ferma sur elle.

Pitou ferma les yeux pour ne pas voir, mais il avait oublié de fermer les oreilles pour ne pas entendre ; le bruit d’un baiser arriva jusqu’à lui. Pitou se prit les cheveux avec désespoir, comme fait le pestiféré dans le premier plan du tableau de Gros représentant Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa.

Lorsque Pitou revint à lui, les jeunes gens avaient remis leurs chevaux au pas et s’éloignaient lentement.

Les dernières paroles que Pitou put entendre furent celles-ci :

— Oui, vous avez raison, monsieur Isidore, promenons-nous une