Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/506

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riva sur la place du château, et frappa discrètement à la petite porte qui donnait dans le jardin de l’abbé Fortier.

Pitou avait frappé assez fort pour tranquilliser sa conscience, assez doucement pour qu’on n’entendît point de la maison.

Il espérait se donner ainsi un quart d’heure de répit, et, pendant ce temps, orner de quelques fleurs oratoires le discours qu’il avait préparé pour l’abbé Fortier.

Son étonnement fut grand, si doucement qu’il eût frappé, de voir la porte s’ouvrir ; mais cet étonnement cessa quand, dans celui qui lui ouvrait la porte, il reconnut Sébastien Gilbert.

L’enfant se promenait dans le petit jardin, étudiant sa leçon au premier soleil, ou plutôt faisant semblant d’étudier ; car le livre ouvert pendait à sa main, et la pensée de l’enfant courait capricieuse au-devant et à la suite de tout ce qu’il aimait en ce monde.

Sébastien poussa un cri de joie en apercevant Pitou.

Ils s’embrassèrent ; puis le premier mot de l’enfant fut celui-ci :

— As-tu des nouvelles de Paris ? — Non, et toi ? demanda Pitou. — Oh ! moi, j’en ai ; mon père m’a écrit une charmante lettre. — Ah ! fit Pitou. — Et dans laquelle, continua l’enfant, il y a un mot pour toi.

Et tirant la lettre de sa poitrine, il la présenta à Pitou.

« P.-S. Billot recommande à Pitou de ne pas ennuyer ou distraire les gens de la ferme. »

— Oh ! soupira Pitou, voilà, par ma foi ! une recommandation bien inutile. Je n’ai plus personne à tourmenter ou à divertir à la ferme.

Puis il ajouta tout bas, en soupirant plus fort :

— C’est à monsieur Isidore que l’on eût dû adresser ces paroles.

Mais bientôt, se remettant et rendant la lettre à Sébastien :

— Où est l’abbé ? demanda-t-il.

L’enfant prêta l’oreille, et quoique toute la largeur de la cour et une partie du jardin le séparassent de l’escalier qui craquait sous les pieds du digne prêtre :

— Tiens, dit-il, le voilà qui descend.

Pitou passa du jardin dans la cour, mais ce ne fut qu’alors qu’il entendit le pas alourdi de l’abbé.

Le digne instituteur descendait son escalier tout en lisant son journal.

Son fidèle martinet pendait à son côté comme une épée à la ceinture d’un capitaine.

Le nez sur le papier, car il savait par cœur le nombre de ses marches et chaque saillie ou chaque cavité de sa vieille maison, l’abbé arriva juste