Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/551

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Il s’élança par la forêt, coupant hardiment au travers des arbres, de façon à gagner Pisseleux en évitant les angles des chemins frayés.

Laissons-le par les arbres, par les buissons, par les roncières, endommager à grands coups de pieds et de bâton la forêt du duc d’Orléans, laquelle lui rendait les coups avec usure.

Revenons à Catherine, qui, de son côté, pensive et désolée, retournait chez elle derrière sa mère.

À quelques pas de la ferme est un marais ; arrivé là, le chemin s’amincit, et deux chevaux venus de front sont obligés de passer l’un après l’autre.

La mère Billot passa la première.

Catherine allait passer à son tour, quand elle entendit un petit sifflement d’appel.

Elle se retourna et aperçut dans l’ombre le galon d’une casquette qui était celle du laquais d’Isidore.

Elle laissa sa mère continuer son chemin, ce que la mère fit sans inquiétude, on était à cent pas de la ferme.

Le laquais vint à elle.

— Mademoiselle, lui dit-il, monsieur Isidore a besoin de vous voir ce soir même ; il vous prie de l’attendre à onze heures quelque part, où vous voudrez. — Mon Dieu ! dit Catherine, lui serait-il arrivé quelque malheur ? — Je ne sais, Mademoiselle ; mais il a reçu ce soir de Paris une lettre cachetée de noir ; il y a déjà une heure que je suis ici.

Dix heures sonnaient à Villers-Cotterets, et les unes après les autres les heures passaient dans l’air portées frémissantes sur leurs ailes de bronze.

Catherine regarda autour d’elle.

— Eh bien ! l’endroit est sombre et retiré, dit-elle, j’attendrai votre maître ici.

Le laquais remonta à cheval et partit au galop.

Catherine, toute tremblante, rentra à la ferme derrière sa mère.

Que pouvait avoir à lui annoncer Isidore à une heure pareille, sinon un malheur ?

Un rendez-vous d’amour emprunte des formes plus riantes.

Mais la question n’était pas là. Isidore demandait un rendez-vous la nuit, peu importait l’heure, peu importait le lieu : elle eût été l’attendre dans le cimetière de Villers-Cotterets, à minuit.

Elle ne voulut donc pas même réfléchir, elle embrassa sa mère et se retira dans sa chambre comme pour se coucher.

Sa mère, sans défiance, se déshabilla et se coucha elle-même.

D’ailleurs, se fût-elle défié, la pauvre femme ! Catherine n’était-elle pas maîtresse par ordre supérieur ?