Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

therine, il se fût trouvé quelques louis et quelques arpents de terre de plus que n’en avait avoué le bonhomme Billot.

En déjeunant, le fermier prévint Pitou que la première lecture de l’ouvrage du docteur Gilbert aurait lieu le surlendemain dans la grange, à dix heures du matin.

Pitou alors fit timidement observer que dix heures du matin, c’était l’heure de la messe ; mais le fermier répondit qu’il avait justement choisi cette heure-là pour éprouver ses ouvriers.

Nous l’avons dit, le père Billot était philosophe.

Il détestait les prêtres, qu’il regardait comme des apôtres de tyrannie ; et trouvant une occasion d’élever autel contre autel, il saisissait cette occasion avec empressement.

Madame Billot et Catherine hasardèrent quelques observations, mais le fermier répondit que les femmes iraient si elles voulaient à la messe, attendu que la religion était faite pour les femmes ; mais que pour les hommes, ils entendraient la lecture de l’ouvrage du docteur, ou qu’ils sortiraient de chez lui.

Le philosophe Billot était fort despote dans sa maison ; Catherine seule avait le privilége d’élever la voix contre ses décisions ; mais si ces décisions étaient assez arrêtées dans l’esprit du fermier pour qu’il répondît à Catherine en fronçant le sourcil, Catherine se taisait comme les autres.

Seulement, Catherine songea à tirer parti de la circonstance au profit de Pitou. En se levant de table, elle fit observer à son père que, pour dire toutes les belles choses qu’il aurait à dire le surlendemain, Pitou était bien pauvrement mis, qu’il jouait le rôle du maître, puisque c’était lui qui instruisait, et que le maître ne devait pas avoir à rougir devant ses disciples.

Billot autorisa sa fille à s’entendre de l’habillement de Pitou avec monsieur Dulauroy, tailleur à Villers-Cotterets.

Catherine avait raison, et un nouvel habillement n’était pas chose de luxe pour le pauvre Pitou : la culotte qu’il portait était toujours celle que lui avait fait faire, cinq ans auparavant, le docteur Gilbert, culotte qui, de trop longue, était devenue trop courte, mais qui, il faut le dire, avait, par les soins de mademoiselle Angélique, allongé de deux pouces par année. Quant à l’habit et à la veste, ils avaient disparu depuis près de deux ans, et avaient été remplacés par le sarrau de serge avec lequel notre héros s’est, dès les premières pages de notre histoire, présenté aux yeux de nos lecteurs.

Pitou n’avait jamais songé à sa toilette. Le miroir était chose inconnue chez mademoiselle Angélique ; et n’ayant point, comme le beau Narcisse, des dispositions premières à devenir amoureux de lui-même,