Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pitou ne s’était jamais avisé de se regarder dans les sources où il tendait ses gluaux.

Mais depuis le moment où mademoiselle Catherine lui avait parlé de l’accompagner à la danse, depuis le moment où il avait été question de monsieur de Charny, cet élégant cavalier ; depuis l’heure où cette histoire des bonnets, sur lesquels la jeune fille comptait pour augmenter sa beauté, avait été versée dans l’oreille de Pitou, Pitou s’était regardé dans une glace, et, attristé du délabrement de sa toilette, il s’était demandé de quelle façon, lui aussi, pourrait ajouter quelque chose à ses avantages naturels.

Malheureusement, à cette question, Pitou n’avait pu se faire aucune réponse. Le délabrement portait sur ses habits. Or, pour avoir des habits neufs, il fallait de l’argent, et de sa vie Pitou n’avait possédé un denier.

Pitou avait bien vu que, pour disputer le prix de la flûte ou des vers, les bergers se couronnaient de roses ; mais il pensait avec raison que cette couronne, si bien qu’elle pût aller à l’air de son visage, n’en ferait que plus ressortir la pauvreté du reste de son habillement.

Pitou fut donc surpris d’une façon bien agréable, quand le dimanche, à huit heures du matin, tandis qu’il méditait sur les moyens d’embellir sa personne, Dulauroy entra, et déposa sur une chaise un habit et une culotte bleu de ciel avec un grand gilet blanc à raies roses.

En même temps, la lingère entra et déposa sur une autre chaise, en face de la première, une chemise et une cravate : si la chemise allait bien, elle avait ordre de confectionner la demi-douzaine.

C’était l’heure des surprises : derrière la lingère apparut le chapelier. Il apportait un petit tricorne de la forme la plus nouvelle, plein de tournure et d’élégance, ce qui se faisait de mieux enfin chez monsieur Cornu, premier chapelier de Villers-Cotterets.

Il était en outre chargé par le cordonnier de déposer aux pieds de Pitou une paire de souliers à boucles d’argent faite à son intention.

Pitou n’en revenait pas, il ne pouvait pas croire que toutes ces richesses fussent pour lui. Dans ses rêves les plus exagérés, il n’aurait pas osé désirer une pareille garde-robe. Des larmes de reconnaissance mouillèrent ses paupières, et il ne put que murmurer ces mots : Oh ! mademoiselle Catherine ! mademoiselle Catherine ! je n’oublierai jamais ce que vous faites pour moi.

Tout cela allait à merveille et comme si l’on eût pris mesure à Pitou ; il n’y avait que les souliers qui se trouvèrent de moitié trop petits. Monsieur Laudereau, cordonnier, avait pris mesure sur le pied de son fils, qui avait quatre ans de plus que Pitou.

Cette supériorité de Pitou sur le jeune Laudereau donna un moment