Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/81

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que venait de donner Pitou dans l’intention de donner à l’homme noir une idée plus haute de lui que celle qu’il en avait prise d’abord, vous dites donc que ce livre est à vous ?

Pitou cligna de l’œil de manière à ce que la fenêtre se retrouvât dans son rayon visuel. La tête de Catherine reparut et fit un signe affirmatif.

— Oui, Monsieur, répondit Pitou. Seriez-vous désireux de le lire, avidus legendi libri ou legendæ historiæ ? — Monsieur, dit l’homme noir, vous me paraissez beaucoup au-dessus de l’état qu’indiquent vos habits : non dives vestitu sed ingenio ; en conséquence, je vous arrête. — Comment ? vous m’arrêtez ? dit Pitou au comble de la stupéfaction. — Oui, Monsieur, suivez-moi donc, je vous prie.

Pitou regarda non plus en l’air, mais autour de lui, et il aperçut deux sergents qui attendaient les ordres de l’homme noir ; les deux sergents semblaient sortir de terre.

— Dressons procès-verbal, Messieurs, dit l’homme noir.

Le sergent attacha les mains de Pitou avec une corde, et garda dans ses mains le livre du docteur Gilbert.

Puis il attacha Pitou lui-même à un anneau placé au-dessous de la fenêtre. Pitou allait se récrier, mais il entendit cette même voix qui avait tant de puissance sur lui qui lui soufflait :

— Laissez-vous faire.

Pitou se laissa donc faire avec une docilité qui enchanta les sergents et surtout l’homme noir ; de sorte que, sans défiance aucune, ils entrèrent dans la ferme, les deux sergents pour prendre une table, l’homme noir… nous saurons plus tard pourquoi.

À peine les sergents et l’homme noir étaient-ils entrés dans la maison que la voix se fit entendre.

— Levez les mains, disait la voix.

Pitou leva non-seulement les mains, mais la tête, et il aperçut le visage pâle et effaré de Catherine ; elle tenait un couteau à la main :

— Encore… encore… dit-elle.

Pitou se haussa sur la pointe des pieds.

Catherine se pencha en dehors ; la lame toucha la corde et Pitou recouvra la liberté de ses mains.

— Prenez le couteau, dit Catherine, et coupez à votre tour la corde qui vous attache à l’anneau.

Pitou ne se le fit pas dire à deux fois, il coupa la corde et se trouva entièrement libre.

— Maintenant, dit Catherine, voici un double louis ; vous avez de bonnes jambes, sauvez-vous ; allez à Paris et prévenez le docteur.