Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/97

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demoiselle Catherine lui avait-elle dit de partir pour Paris, et pourquoi, afin de faciliter le voyage, lui avait-elle donné un louis de quarante-huit francs, c’est-à-dire deux cent quarante livres de pain, à quatre sous la livre, de quoi manger pendant quatre-vingts jours, c’est-à-dire pendant près de trois mois en se rationnant un peu ?

Mademoiselle Catherine supposait-elle que Pitou pût ou dût rester quatre-vingts jours absent de la ferme ?

Tout à coup Pitou tressaillit.

— Oh ! oh ! dit-il, encore ce fer de cheval !

Et il se redressa.

— Cette fois, dit Pitou, je ne me trompe pas, le bruit que j’entends est bien celui d’un cheval au galop ; je vais le voir à la montée.

Pitou n’avait point achevé, qu’un cheval apparut au point culminant d’une petite côte qu’il venait de laisser derrière lui, c’est-à-dire à quatre cents pas à peu près de Pitou.

Celui-ci qui n’avait point admis qu’un agent de police se fut transformé en âne, admit parfaitement qu’il eut pu monter à cheval pour poursuivre plus rapidement la proie qui lui échappait.

La peur, qui l’avait un instant abandonné, saisit de nouveau Pitou, et lui rendit des jambes plus longues et plus intrépides que celles dont il avait fait un si merveilleux usage deux heures auparavant.

Aussi, sans réfléchir, sans regarder en arrière, sans même essayer de dissimuler sa fuite, comptant sur l’excellence de son jarret d’acier, Pitou, d’un seul bond, s’élança-t-il de l’autre côté du fossé qui bordait la route, et se mit-il à fuir à travers champs dans la direction d’Ermenonville. Pitou ne savait pas ce qu’était Ermenonville ; il aperçut seulement à l’horizon la cime de quelques arbres, et il se disait :

— Si j’atteins ces arbres, qui sont sans doute la lisière de quelque forêt, je suis sauvé.

Et il piquait vers Ermenonville.

Cette fois, il s’agissait de vaincre un cheval à la course. Ce n’était plus des pieds qu’avait Pitou, c’était des ailes.

D’autant plus qu’après avoir fait cent pas à travers terre, à peu près, Pitou avait jeté les yeux en arrière, et avait vu le cavalier faisant faire à son cheval l’immense saut qu’il avait fait lui-même par-dessus le fossé de la route.

À partir de ce moment, il n’y avait plus eu de doute pour le fugitif que ce ne fût à lui qu’en voulait le cavalier, et le fugitif avait redoublé de vitesse, ne tournant même plus la tête de peur de perdre du temps. Ce qui pressait sa course, maintenant, ce n’était plus le bruit du fer sur le pavé, le bruit s’amortissait dans les luzernes et dans les jachères ; ce