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mais derrière eux, et à vingt pas du massif de bambou où avait eu lieu entre les deux frères toute la conversation que nous venons de rapporter, un homme que jusque-là, à son immobilité, on eût pu prendre pour un des troncs d’arbres parmi lesquels il était couché, se leva lentement, glissa comme une ombre dans le fourré, apparut un instant à la lisière de la forêt, et poursuivant les deux frères d’un geste de menace, s’élança, aussitôt qu’ils eurent disparu, dans la direction du Port-Louis.

Cet homme, c’était le Malais Antonio qui avait promis de se venger de Laïza et de Nazim, et qui allait tenir sa parole.

Et maintenant, si vite qu’il aille sur ses longues jambes, il faut, si nos lecteurs le permettent, que nous le précédions dans la capitale de l’Île de France.


IX.

LA ROSE DE LA RIVIÈRE NOIRE.


Après avoir payé à Miko-Miko l’éventail chinois dont, à son grand étonnement, Georges lui avait dit le prix, la jeune fille que nous avons entrevue un instant sur le seuil de la porte, était, tandis que son nègre aidait le marchand à recharger sa marchandise, rentrée chez elle toujours suivie de sa gouvernante ; et, toute joyeuse de son acquisition du jour, dont la destinée était d’être oubliée le lendemain, elle avait été, avec cette démarche flexible et nonchalante qui donne tant de charme aux femmes créoles, se coucher nonchalamment sur un large canapé, dont la destination, bien visible, était de servir de lit aussi bien que de siége. Ce meuble était placé au fond d’un charmant petit boudoir, tout bariolé de porcelaines de la Chine et de vases du Japon : la tapisserie qui en recouvrait les murailles était faite de cette belle indienne que les habitants de l’île de France tirent de la côte