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feuilles, où les gouttes de rosée tremblent comme des globules de vif argent ; elle passait pareille à une ondine sous une cascade dont la poussière humide la voilait comme une gaze, et alors, tout au contraire des autres femmes créoles dont le teint mat se colore si difficilement, ses joues à elle se couvraient d’un incarnat si vif que les nègres, habitués dans leur langage poétique et coloré à donner à chaque chose un nom désignateur, n’appelaient Sara que la Rose de la rivière Noire.

Sara, comme nous l’avons dit, était donc bien heureuse, puisqu’elle avait en perspective, l’une pour le jour même, l’autre pour le lendemain, les deux choses qu’elle aimait le plus au monde, c’est-à-dire la campagne et le bal.


X.

LE BAIN.


À cette époque l’île n’était point encore, comme elle l’est aujourd’hui, coupée par des chemins qui permettent de se rendre en voiture aux différents quartiers de la colonie, et les seuls moyens de transport étaient les chevaux ou le palanquin. Toutes les fois que Sara se rendait à la campagne avec Henri et monsieur de Malmédie, le cheval obtenait sans discussion aucune la préférence, car l’équitation était un des exercices les plus familiers à la jeune fille ; mais lorsqu’elle voyageait en tête à tête avec mamie Henriette, il lui fallait renoncer à ce genre de locomotive, auquel la grave Anglaise préférait de beaucoup le palanquin. C’était donc dans un palanquin porté par quatre nègres suivis d’un relai de quatre autres, que Sara et sa gouvernante voyageaient côte à côte, assez rapprochées, au reste, l’une de l’autre pour pouvoir causer à travers leurs rideaux écartés, tandis que leurs porteurs, sûrs d’avance d’un bon pourboire, chantaient à tue-tête, dénonçant ainsi aux passants la générosité de leur jeune maîtresse.