Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XII

LE BAL.


C’était le lendemain, comme nous l’avons dit, que devaient avoir lieu au palais du gouvernement ce dîner et ce bal, dont l’annonce révolutionnait Port-Louis.

Quiconque n’a pas habité les colonies et surtout l’Île de France, n’a aucune idée du luxe qui règne sous le 20e degré de latitude méridionale. En effet, outre toutes les merveilles parisiennes qui traversent les mers pour aller embellir les gracieuses créoles de Maurice, elles ont encore à choisir de première main les diamants de Visapour, les perles d’Ophir, les cachemires de Siam et les mousselines de Calcutta. Or, pas un vaisseau venant du monde des Mille et une Nuits ne s’arrête à l’Île de France sans y laisser une partie des trésors qu’il transporte en Europe. Aussi, même pour un homme habitué à l’élégance parisienne ou à la profusion anglaise, c’est encore quelque chose d’extraordinaire que l’étincelant ensemble que présente une réunion à l’Île de France.

Aussi le salon du gouvernement qu’en trois jours, de son côté, lord Murrey, membre de la plus grande fashion, et partisan du plus large confortable, avait entièrement renouvelé, présentait-il vers les quatre heures de l’après-midi l’aspect d’un appartement de la rue du Mont-Blanc, ou de Regent’s Street : toute l’aristocratie coloniale était là, hommes et femmes, les hommes avec cette mise simple imposée par nos modes modernes, les femmes couvertes de diamants, ruisselantes de perles, parées d’avance pour le bal, n’ayant pour les distinguer de nos femmes européennes que cette molle et délicieuse morbidezza, apanage des seules femmes créoles. À chaque nom nouveau que l’on annonçait, un sourire général accueillait la personne annoncée ; car, au Port-Louis, comme on le comprend bien, tout le monde se connaît, et la seule