Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/184

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— Oui, oui. Ils gémissent, et c’est signe de tempête, n’est-ce pas ?

— Et voyez le ciel, comme il se couvre. Ainsi, je vous le répète, Sara, si vous avez quelque fleur à rentrer, vous n’avez pas de temps à perdre ; moi, je vais enfermer mes chiens.

Et Henri sortit pour mettre sa meute à l’abri de l’orage.

En effet, la nuit venait avec une rapidité inaccoutumée, car le ciel se couvrait de gros nuages noirs ; de temps en temps des bouffées de vent passaient ébranlant la maison, puis tout redevenait calme, mais de ce calme pesant qui semble l’agonie de la nature haletante. Sara regarda dans la cour, et vit les manguiers qui frissonnaient comme s’ils eussent été doués du sentiment et qu’ils eussent pressenti la lutte qui allait avoir lieu entre le vent, la terre et le ciel, tandis que les lilas de Chine inclinaient tristement leurs fleurs vers le sol. La jeune fille, à cette vue, se sentit prise d’une terreur profonde, et elle joignit les mains en murmurant :

— Ô mon Dieu, Seigneur ! protégez-le.

En ce moment, Sara entendit la voix de son oncle qui l’appelait. Elle ouvrit la porte.

— Sara, dit monsieur de Malmédie, Sara, venez ici, mon enfant ; vous ne seriez pas en sûreté dans le pavillon.

— Me voilà, mon oncle, dit la jeune fille en fermant la porte et tirant la clef après elle, de peur que quelqu’un n’y entrât en son absence.

Mais, au lieu de se réunir à Henri et à son père, Sara rentra dans sa chambre. Un instant après, monsieur de Malmédie vint voir ce qu’elle y faisait. Elle était à genoux devant le Christ qui était au pied de son lit.

— Que faites-vous donc là ? dit-il, au lieu de venir prendre le thé avec nous.

— Mon oncle, répondit Sara, je prie pour les voyageurs.

— Ah ! pardieu ! dit monsieur de Malmédie, je suis sûr qu’il n’y aura pas dans toute l’île un homme assez fou pour se mettre en route par le temps qu’il fait.

— Dieu vous entende, mon oncle ! dit Sara.

Et elle continua de prier.

En effet, il n’y avait plus de doute, et l’événement qu’avec son coup d’œil de marin Jacques avait prédit, allait se réali-