Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/24

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toute cette destruction qui s’arrête à elle, elle essaie de prendre chasse, afin d’aller se remettre sous la protection du fort.

Aussitôt le capitaine Bouvet ordonne à la Minerve et à la Bellone de se réparer et de se remettre à flot. Duperré, sur le lit ensanglanté où il est couché, a appris tout ce qui s’est passé : il ne veut pas qu’une seule frégate échappe au carnage ; il ne veut pas qu’un seul Anglais aille annoncer sa défaite à l’Angleterre. Nous avons Trafalgar et Aboukir à venger. En chasse ! en chasse, sur l’Iphigénie !

Et les deux nobles frégates, toutes meurtries, se relèvent, se redressent, se couvrent de voiles et s’ébranlent, en donnant l’ordre au Victor d’amariner la Néréide. Quant au Ceylan, il est si mutilé lui-même, qu’il ne peut quitter sa place avant que le calfat n’ait pansé ses mille blessures.

Alors de grands cris de triomphe s’élèvent de la terre : toute cette population qui a gardé le silence retrouve la respiration et la voix pour encourager la Minerve et la Bellone dans leur poursuite. Mais l’Iphigénie, moins avariée que ses deux ennemies, gagne visiblement sur elles ; l’Iphigénie dépasse l’île des Aigrettes ; l’Iphigénie va atteindre le fort de la passe ; l’Iphigénie va gagner la pleine mer et sera sauvée. Déjà les boulets dont la poursuivent la Minerve et la Bellone n’arrivent plus jusqu’à elle et viennent mourir dans son sillage, quant tout à coup trois bâtiments paraissent à l’entrée de la Passe, le pavillon tricolore à leur corne ; c’est le capitaine Hamelin, parti de Port-Louis avec l’Entreprenant, la Manche et l’Astrée. L’Iphigénie et le fort de la Passe sont pris en deux feux ; ils se rendront à discrétion, pas un Anglais n’échappera.

Pendant ce temps, le Victor s’est pour la seconde fois rapproché de la Néréide ; et, craignant quelque surprise, il ne l’aborde qu’avec précaution. Mais le silence qu’elle garde est bien celui de la mort. Son pont est couvert de cadavres, le lieutenant qui y met le pied le premier a du sang jusqu’à la cheville.

Un blessé se soulève et raconte que six fois l’ordre a été donné d’amener le pavillon, mais que six fois les décharges françaises ont emporté les hommes chargés d’exécuter ce com-