Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/285

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proie ; puis, laissant glisser sa main le long du rameau à l’écorce lisse et polie, il revint tomber au pied de l’arbre, au milieu de ses compagnons tenant toujours son prisonnier qui, son couteau à la main, cherchait vainement à blesser son vainqueur, comme le serpent cherche vainement à mordre le roi des airs, qui, des profondeurs d’un marais, l’emporte dans son aire voisine du ciel.

Alors et malgré l’obscurité, chacun du premier coup d’œil reconnut le prisonnier : c’était Antonio le Malaï. Tout cela s’était passé d’une façon si rapide et si inattendue que Antonio n’avait pas jeté un cri.

Enfin Laïza tenait donc en sa puissance son ennemi mortel ; Laïza allait donc punir d’un seul coup le traître et l’assassin.

Il le pressait sous son genou, il le regardait avec cette terrible ironie du vainqueur dans laquelle le vaincu peut comprendre qu’il n’a plus rien à espérer, quand tout à coup on entendit le lointain aboiement d’un chien.

Sans relâcher la main par laquelle il lui serrait la gorge, sans relâcher la main par laquelle il lui maintenait le poignet, Laïza releva la tête et tendit l’oreille du côté par où venait le bruit.

À ce bruit, Laïza sentit frissonner Antonio.

— Chaque chose a son temps, murmura Laïza comme se parlant à lui-même ; puis, s’adressant aux nègres qui l’entouraient : — Attachez d’abord cet homme à un arbre, dit-il, il faut que je parle à monsieur Munier.

Les nègres saisirent Antonio par les pieds et par les mains, et le garrottèrent avec des lianes contre le tronc d’un takamakas. Laïza s’assura qu’il était bien lié, et conduisant le vieillard à quelques pas, il étendit la main du côté où, pour la première fois, s’était lait entendre l’aboiement du chien.

— Avez-vous entendu ? lui dit-il.

— Quoi ? demanda le vieillard.

— L’aboiement d’un chien.

— Non.

— Écoutez ! il se rapproche.

— Oui, cette fois je l’ai entendu.

— On nous chasse comme des cerfs.